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MORIKAGE KUSUMI (fin XVIIe s.)

Les sources d'une inspiration

La plupart de ses peintures n'étant pas datées, il est difficile de suivre l'évolution de Morikage. Tout en s'inspirant du style de Tanyū, il semble avoir été attiré par des genres très divers. Dans sa représentation d'un Sage accompagné d'une grue, au milieu d'un paysage, on remarque la simplicité de la composition et l'élégance du trait qui évoque celui de Naonobu, le frère de son maître.

Mais il semble surtout s'être inspiré du lavis de l'époque Muromachi, imitant avec bonheur Sesshū dans son paravent des Quatre Saisons, et remontant même à Muqi dans son Sennin (Sage taoïste) et dans ses Corbeaux évoluant au-dessus de pins couverts de neige, œuvre d'une grande maîtrise. On retrouve la même inspiration dans plusieurs peintures, modelées par petites touches très chargées d'encre, où des Singes tentent de pêcher dans l'eau le reflet de la lune. Ce thème célèbre avait déjà été traité par Hasegawa Tōhaku, avec plus d'autorité et de profondeur.

Certaines œuvres de Morikage sont dans le style des Tosa et, selon Isamu Ijima, il aurait pu subir l'influence des Sumiyoshi, qui travaillèrent dans l'atelier impérial. Le paravent du Bugaku (danses de cour), celui des Courses de chevaux au sanctuaire de Kamō sont rehaussés de couleurs vives empruntées à la peinture traditionnelle, mais avec des traits plus souples et parfois un peu mièvres. Morikage connut aussi les e-makimono anciens, comme semble le prouver le paravent consacré à la Cueillette du thé à Uji (collection Okura, Tōkyō).

Il excella surtout dans les paysages, reprenant souvent un vieux thème chinois qu'avaient adopté les Kanō dès l'époque Muromachi : les travaux des champs qui permettent d'évoquer les quatre saisons. En l'absence d'éléments datés, il est difficile de suivre le développement de ses divers paravents. On remarque, cependant, le passage d'un style – émanant de son maître – où éléments architecturaux et personnages sont chinois, à des motifs plus personnels dont les détails sont empruntés à la vie des paysans japonais. Les paravents conservés au Musée commercial de Kanazawa appartiennent à ce second style et révèlent une vive compréhension de l'existence campagnarde ; en même temps, leur composition plus libre semble se dégager de modèles devenus conventionnels.

Ce sens de la vie rurale s'exprime tout particulièrement dans le paravent à deux feuilles Prenant le frais, le soir (Nō ryō zū byōbu), dont l'organisation est très originale : trois personnages, un paysan, sa femme et son jeune enfant, sont étendus ou assis sur un tatami posé à même le sol sous une treille appuyée contre leur humble demeure ; ils contemplent la lune qui brille dans un ciel occupant la moitié de la composition. Tracée à l'encre d'un trait à la fois souple et plus vigoureux que d'ordinaire, l'œuvre exprime à la fois une grande sérénité et une certaine mélancolie. La liberté du pinceau se manifeste dans le dessin appuyé de l'homme étendu sur la natte, qui contraste avec la délicatesse du corps féminin assis demi-nu à ses côtés, dans le traitement varié des gourdes et du feuillage où alternent des touches très encrées et d'autres plus légères. Ce paravent, fort prisé au Japon, donne à comprendre l'originalité de Morikage. Il y révèle un sens de l'humain que l'on chercherait vainement dans les œuvres plus extérieures de Tanyū ; et l'on a pu dire que, si ce dernier avait japonisé la peinture chinoise, son élève avait fait, à la chinoise, de la peinture japonaise.

— Marie MATHELIN

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