MORPHINE
Les propriétés narcotiques du pavot somnifère et de l'opium (latex desséché obtenu par incision de ses capsules) ont été reconnues dès la plus lointaine Antiquité. Mais l'isolement de leur principe actif principal, la morphine, date seulement du début du xixe siècle. Deux pharmaciens français, F. Derosne (1803) et A. Seguin (1804), ont alors étudié les constituants de l'opium, et c'est à F. W. Sertürner, pharmacien allemand, que revient le mérite (dans ses travaux publiés en 1805-1806 et 1817) d'avoir vu que la substance cristallisée isolée était un « alcali végétal » ( alcaloïde), combiné dans la drogue à l'acide méconique. Ayant vérifié ses propriétés narcotiques, il lui donna le nom de morphium (de Morphée, dieu grec des Songes). L'étude physico-chimique de la morphine devait aboutir, en 1925, à l'établissement de sa formule spatiale par J. M. Gulland, R. Robinson et C. Schöpf. Sa synthèse totale, réalisée en 1952 par M. Gates et G. Tschudi, demeure d'un intérêt purement théorique : la morphine est toujours extraite de l'opium ou des capsules des variétés améliorées du pavot somnifère.
Les propriétés physiologiques de la morphine ont fait l'objet de très nombreux travaux. Si elle représente un analgésique remarquable, et de ce fait précieux médicament, la morphine est aussi un stupéfiant (tableau B des substances vénéneuses) qui peut engendrer des troubles addictifs.
La connaissance du mécanisme d'action et l'étude des relations structure-activité ont abouti à la découverte de nombreux analogues ou morphiniques de synthèse qui présentent encore certains inconvénients de la morphine elle-même, notamment l'accoutumance et la dépendance.
Origine
La morphine se rencontre uniquement dans les différentes variétés (album, nigrum, setigerum...) d'une plante annuelle originaire de la Méditerranée orientale, le Papaver somniferum ( Papavéracées). Cette plante est pourvue d'un appareil sécréteur constitué de laticifères en réseau, présents dans tous les organes, sauf la graine, et particulièrement nombreux dans la paroi de la capsule. Celle-ci, incisée, exsude un latex blanchâtre qui se coagule et brunit à l'air. Recueilli, séché et façonné en pains, il constitue l'opium, renfermant de 12 à 20 % d'alcaloïdes totaux dont le principal est la morphine (10 % dans la poudre d'opium officinale).
La production d'opium est abondante lorsque la culture du pavot a lieu dans des régions à climat chaud ou tropical : autrefois récolté dans des pays tels que la Turquie, l'Iran, le sud de l'URSS, etc., il est fourni aujourd'hui, en tant que production licite, presque exclusivement par l'Inde et il alimente l’économie parallèle à partir de l’Afghanistan. En climat tempéré (Europe centrale et orientale, France, Hollande), on cultive anciennement, et surtout depuis le xviiie siècle, le pavot œillette (variété nigrum) pour l'huile de ses graines, mais les capsules de cette variété sont aussi une matière première intéressante pour l'obtention directe de la morphine sans passer par l'opium. Bien que la teneur en alcaloïdes soit très faible par rapport à celle de l'opium (de 0,20 à 0,50 p. 100 de morphine après sélection), on peut obtenir en même temps les graines et l'huile d'œillette, employée pour la médecine, l'alimentation et l'industrie.
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Écrit par
- Hélène MOYSE : docteur en pharmacie, ancienne assistante à la faculté de pharmacie de Paris
- Michel PARIS : professeur à l'université de Paris-XI, Orsay, professeur de pharmacologie à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry
- René Raymond PARIS : professeur émérite de la faculté de pharmacie de Paris, ancien directeur au laboratoire national de la santé publique, Paris, membre de l'Académie nationale de pharmacie
Classification
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