MORPHOLOGIE (psycholinguistique)
La morphologie est une discipline linguistique qui s’attache à décrire les unités morphologiques de la langue, appelées morphèmes, qui renvoient aux plus petites unités de signification de la langue, et leurs règles de combinaison. La morphologie dérivationnelle en est un des domaines, qui s’intéresse plus particulièrement à la formation des mots par dérivation, c’est-à-dire par ajout d’un préfixe ou suffixe à une base (ainsi, « joueur » est dérivé de « jouer »). De nombreux mots du lexique d’une langue sont construits par dérivation (par ex., « googlisable » dérivé de « Google »). Les études menées en psycholinguistique cognitive cherchent à rendre compte de la façon dont l’adulte et l’enfant utilisent l’information morphologique lorsqu’ils doivent comprendre ou produire des mots, connus ou inconnus d’eux. Les chapitres consacrés à l’adulte, d’une part, et à l’enfant, d’autre part, témoignent de l’importance de cette dimension linguistique dans le traitement du langage oral et écrit.
Apprentissage de la langue par l’enfant
La morphologie dérivationnelle décrit les unités minimales du langage porteuses de signification. On distingue les bases, qui sont des formes lexicales, des affixes, préfixes ou suffixes, qu’on adjoint pour former un mot nouveau. Par exemple, le mot « conteur » est formé de deux morphèmes, la base « conter » et le suffixe -eur. Chez l’enfant, la connaissance des unités et des principes morphologiques peut constituer un outil puissant pour le développement du langage, notamment pour l’acquisition et la compréhension du vocabulaire, ainsi que pour l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe.
Produire et comprendre des mots complexes
Il est fréquent d’observer le jeune enfant produire des néologismes, tels que « démariage » ou « glissage ». Ces productions témoignent que l’enfant, qui n’a pas encore appris et mémorisé la forme lexicale usuelle, est capable de produire un mot adapté par construction morphologique. Cette connaissance peut aussi lui permettre de comprendre des mots construits morphologiquement qu’il n’a jamais entendus. Le jeune enfant n’a pas conscience d’utiliser des procédés morphologiques. Pour comprendre le rôle que jouent ces connaissances morphologiques dans le développement langagier, les chercheurs ont développé des situations permettant d’évaluer ces connaissances dans un contexte standardisé.
Conscience morphologique et vocabulaire
La conscience morphologique est définie comme la capacité à analyser et à manipuler les unités morphologiques de la langue. Les épreuves correspondantes requièrent de l’enfant qu’il complète des phrases avec des formes dérivées (« celui qui ment est un… ? » « … menteur »), qu’il produise une forme dérivée sur la simple base d’un modèle (chanter et chanteur, travailler et travailleur), ou qu’il juge du lien morphologique entre deux mots (chanter et chanteur ; couler et couleur). Les scores obtenus sont fortement liés au développement du vocabulaire, et ce lien va au-delà des variables générales telles que l’âge, le milieu socio-économique, etc. Le lien causal peut être bidirectionnel : les enfants peuvent avoir développé des connaissances morphologiques parce que, ayant mémorisé un vocabulaire important, ce dernier se structure et aide à faire ressortir des régularités liant forme et sens. Par exemple, le suffixe -ette s’emploie comme diminutif, le préfixe re- indique la répétition. Réciproquement, parce qu’ils ont développé des connaissances morphologiques, les enfants sont capables de développer rapidement certains pans de vocabulaire. Ainsi, le nom de nombreux arbres fruitiers peut se déduire à partir du nom du fruit et du suffixe -ier.
Conscience morphologique et lecture
C’est dans le domaine de l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe[...]
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Écrit par
- Séverine CASALIS : professeure des Universités
- Pascale COLÉ : professeure des Universités, vice-doyenne à la recherche, faculté des arts, lettres, langues et sciences humaines, université d'Aix-Marseille
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