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MORT Les interrogations philosophiques

« Je trouve bon qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic : mais ceci !... Il importe à toute la vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle. » L'insistance de Pascal marque symboliquement le tournant d'une philosophie de la mort, puisque l'existentialisme moderne trouve beaucoup de ses thèmes déjà frappés en médaille par ce penseur. Il est non moins vrai que lui-même prolonge certains échos de saint Augustin. Cependant, il fallait sa subjectivité passionnée pour que la question de la mort devînt la question de la vie, dans l'attente d'un nouveau contexte que fournira seulement le xixe siècle.

Le thème de la mort s'infléchit au long de l'histoire, selon une courbe qui va du dehors au dedans, de la philosophie à la phénoménologie, d'un problème analysé objectivement à un drame intérieurement vécu. Une convergence des deux voies d'approche ne serait cependant pas inutile pour éclairer un événement qui échappera finalement à tout éclairage puisqu'on entre toujours seul dans sa mort et tous feux de conscience éteints. Parce que l'angoisse de l'inconnu leur était insupportable, les philosophies traditionnelles ont essayé d'en exorciser l'intensité affective grâce à un réseau d'explications mythiques ou rationnelles. En revanche, les philosophies modernes, à dominante phénoménologique, en s'enfermant dans la conscience, s'identifient tellement à l'angoisse qu'elles égarent tout repère objectif valable devant la raison. C'est pourquoi une approche philosophique englobante pourrait ne rien perdre des acquis de l'histoire, même si, dans ce dessein, elle doit se situer à l'intérieur d'une métaphysique de l'être. Cette métaphysique, d'ailleurs, semble être la seule à expliquer l'angoisse de la mort en nommant le risque tragique qui en avive le foyer, et par là même à découvrir un dépassement de la mort. Comme toujours, c'est en acceptant de plonger dans l'agonie de l'existence que celle-ci, comme au terme d'un long tunnel, s'ouvre sur l'horizon d'une immortalité personnelle, et peut-être même d'une métaphysique de la résurrection.

Historique du problème

La grande diversité de positions fournies sur le problème de la mort par l'histoire de la philosophie peut se ramener à trois lignes fondamentales : les doctrines de la chute, les doctrines de l'information, les doctrines de la dispersion. Curieusement, aucune de ces dénominations ne se réfère ouvertement au terme de la vie humaine, puisqu'elles portent plutôt sur la constitution de la nature de l'homme. C'est que, précisément, tant que l'intelligence philosophique est dominée par l'analyse objective plutôt que par l'expérience phénoménologique, il s'agira d'expliquer la mort plutôt que de la vivre. Cette explication se relie nécessairement à la constitution du vivant humain, impliquant aussitôt une certaine façon de concevoir sa naissance et, par voie de conséquence, sa mort.

Les doctrines de la chute

Si le courant des doctrines de la chute est dominé par la figure de Platon, son élaboration philosophique s'inaugure cependant avec les Upanishads et se prolonge, par-delà Origène, jusqu'à Descartes et Malebranche. L'axe qui joint des philosophies aussi différentes est le dualisme de l'âme et du corps. La vie humaine naît de leur rencontre et la mort est leur séparation. Mais, pour la pensée grecque devenue chrétienne, cette rencontre est l'effet d'une création de l'âme, alors qu'elle est la conséquence d'une chute pour les philosophies antérieures. Chute ou création détermineront des différences importantes dans les conceptions de la vie et de la mort.

Des Upanishads à Plotin, en passant par l'[...]

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Écrit par

  • : professeur en philosophie, ex-directeur de la division de philosophie à l'U.N.E.S.C.O.

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