KANTÉ MORY (1950-2020)
Surnommé « le griot électrique », ou encore « le griot rock », le chanteur et musicien guinéen Mory Kanté a donné en 1987 à l'Afrique, avec « Yéké Yéké », l'un de ses plus retentissants succès mondiaux. Ce titre fétiche, qui a fait découvrir la kora au grand public, illustrait un aspect fondamental de sa démarche artistique : la valorisation des instruments traditionnels. En 1989, pour la cérémonie inaugurale de la Grande Arche de la Défense, à Paris, il avait présenté un ensemble réunissant cent trente musiciens, chanteuses et chanteurs traditionnels.
Ces sons et ce patrimoine culturel furent consubstantiels à Mory Kanté, né le 29 mars 1950 à Albadaria, un village des environs de Kissidougou, aux sources du fleuve Niger, au sud de la Guinée. Fils d’une chanteuse malienne, Fatouma Kamissoko, et d’un père guinéen, El-Hadj Djeli Fodé Kanté, qui l’initie au balafon, il est envoyé par ses parents, vers l’âge de sept ans, à Bamako, capitale du Mali voisin où sa tante Maman Ba Kamissoko, de la caste des griots comme ses parents, prend en charge son éducation. Le jeune garçon perfectionne son jeu au balafon, chante dans les fêtes familiales et les cérémonies. Arrivent les années 1960, le temps des indépendances et des influences musicales tous azimuts : rumba zaïroise, salsa cubaine, pop et rock anglo-saxons. Sans renier son héritage traditionnel, Mory Kanté rêve de modernité musicale et, déjà, de fusion. Il apprend à jouer de la guitare. À dix-huit ans, il fréquente pendant un an l'Institut national des arts de Bamako, puis commence à jouer au sein de différents groupes. En 1971, il rejoint le fameux Rail Band, orchestre du Buffet Hôtel de la gare de Bamako, en tant que joueur de balafon. Mory Kanté a vingt et un ans. Sa carrière commence véritablement, lorsque, dans cette formation, il remplace le chanteur malien Salif Keita, parti pour Abidjan (Côte d’Ivoire), à l'époque épicentre de la vie musicale en Afrique de l'Ouest. Mory Kanté suivra le même chemin en 1978, après avoir reçu deux ans plus tôt au Nigeria le trophée de la Voix d'or, premier d’une longue série de prix et de distinctions qui jalonneront sa carrière. Pendant ses années au sein du Rail Band où il passe du balafon à la guitare tout en chantant, il commence à s’intéresser à la kora, qu’il décide d’utiliser sous une forme électrifiée et qui va devenir son instrument de prédilection. Cette harpe-luth à vingt et une cordes (dans sa version la plus courante), tendues le long d’un manche monté sur une demi-calebasse recouverte d’une peau de chèvre, est jouée par les griots d’Afrique de l’Ouest (appelés djelis en pays mandingue), les maîtres de la parole et de la mémoire, caste à laquelle le chanteur se rattache.
En 1984, Mory Kanté fait le choix de s’installer à Paris, où la scène africaine connaît à cette époque une véritable effervescence. Après Courougnégné, son premier album, réalisé en 1981 à Lomé (Togo) et mixé aux États-Unis, il enregistre à son arrivée en France Mory Kanté à Paris et donne son premier concert à la Mutualité. Jacques Higelin, qu’il a rencontré en Afrique, l’invite à monter sur scène à Bercy en 1985. Cette même année, Mory Kanté participe à l’opération caritative Tam-Tam pour l’Éthiopie, à l’initiative du saxophoniste camerounais Manu Dibango. Il s’agit là de sa première implication dans les causes qu’il considère justes et nécessaires. Ambassadeur de bonne volonté de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l’agriculture (FAO), il s’est engagé dans différentes actions de sensibilisation, notamment pour la lutte contre la fièvre Ebola. Signé sur le label Barclay, Mory Kanté sort en 1986 10Cola Nuts, puis l’année suivante Akwaba Beach, contenant le titre « Yéké Yéké » qui lui ouvre les portes de[...]
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Écrit par
- Patrick LABESSE : journaliste
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WORLD MUSIC ET MUSIQUES DU MONDE
- Écrit par Eugène LLEDO
- 900 mots
- 2 médias
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