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MENDELSSOHN MOSES (1729-1786)

Moses Mendelssohn - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Moses Mendelssohn

Fidèle ami de Friedrich Nicolai (1733-1811), avec lequel il collabore à la revue Bibliothek der schönen Wissenschaften und freien Künste, qui diffusa leurs idées esthétiques, Mendelssohn est lié à Lessing, auquel il inspire sans doute la figure principale de Nathan le Sage. Ses nombreuses amitiés intellectuelles dans le monde berlinois lui valent une place très spécifique dans l'essor philosophique de cette époque : ses écrits philosophiques, longtemps injustement négligés, font de lui une sorte d'agent centralisateur des nouvelles tendances de l'esthétique et de la philosophie morale. Outre des dialogues d'inspiration platonicienne, tel le Phédon (1767), dans lequel il paie son tribut à la psychologie rationaliste traditionnelle, il écrit notamment, en 1757, Sur les principes des beaux-arts et de la littérature (Hauptgründsätze der schönen Künste und Wissenschaften) et, en 1755, Lettres sur les sensations (Briefe über die Empfindungen). Si l'influence de la philosophie anglaise, et plus particulièrement celle de E. Burke, se fait nettement sentir dans ces textes, Mendelssohn y introduit l'idée d'un beau qui ne serait plus assimilable à la perfection mais correspondrait, par le biais du sentiment esthétique, à un accord de l'objet et de la subjectivité. Le sentiment esthétique est une véritable faculté, dont les objets spécifiques sont le plaisir et la douleur. C'est cette naissance d'un certain subjectivisme esthétique qui devait, peu après, influencer la Critique de la faculté de juger de Kant, lequel a sans doute tiré de Mendelssohn la distinction a priori du beau et du sublime.

L'influence de C. Wolff est, elle aussi, très sensible chez Mendelssohn, comme en témoigne le Traité sur l'évidence dans les sciences métaphysiques (Abhandlung über die Evidenz in den metaphysischen Wissenschaften, 1764), et c'est sans doute elle qui conduisit le penseur à refuser, au nom d'un certain idéalisme leibnizien, le système de Spinoza. Quand il apprend que son ami très cher, Lessing, qu'il croit être seulement déiste, a professé auprès de Jaccobi, un an avant sa mort, un spinozisme absolu, il ne peut se résoudre à l'admettre et engage avec Jacobi une longue polémique épistolaire sur ce qu'il considère comme le pandéterminisme de Spinoza. Ces lettres, publiées par Jacobi en 1785 sous le titre Lettres à M. Mendelssohn sur la doctrine de Spinoza (Über die Lehre des Spinoza in Briefen an Hernn Moses Mendelssohn), attirent l'attention de l'Allemagne philosophique sur le spinozisme, qui n'était alors généralement connu que par l'exposé qu'en avait donné Bayle.

En réalité, Mendelssohn a cru pendant longtemps à la possibilité de concilier l'harmonie préétablie de Leibniz et l'unicité de la substance de Spizona ; pourtant, dans la lutte qu'il mène contre l'intolérance religieuse, celle des luthériens rigoristes ou celle des rabbins traditionalistes, la réflexion leibnizienne lui paraissait d'un secours privilégié.

Juif parfaitement intégré à l'intelligentsia protestante du Berlin de Frédéric II, Mendelssohn refuse à la fois de se convertir à une religion qui n'est pas celle de ses pères et de justifier les principes théocratiques et ethnocentriques des rabbins : le Dieu de Moïse n'appartient pas aux seuls juifs et la société du ghetto ne peut se maintenir isolée et fermée sur elle-même dans l'Allemagne. Dans sa Jérusalem, il plaide pour une entière séparation de l'Église et de l'État, pour la tolérance religieuse, pour une certaine relativisation des dogmes, qui ne sont qu'autant de voies, également respectables quoique différentes, pour s'élever jusqu'à Dieu : « Laissez chacun parler comme il l'entend, invoquer Dieu à la façon de ses pères, et chercher son salut où il croit le trouver. » C'est cet[...]

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