MOTET
Le motet polyphonique de la Renaissance
Tandis que les derniers compositeurs de l'Ars nova versaient dans l'intellectualisme, se complaisant dans les artifices graphiques et les jeux mathématiques, l'école franco-flamande prenait son essor avec Dufay. Le motet et, d'une façon générale, l'écriture polyphonique devaient au cours du xve siècle se libérer des vieilles contraintes, s'aérer, tendre vers un plus grand équilibre entre les diverses voix de la composition. Le cantus firmus, héritier de l'ancienne teneur, perd de sa rigidité ; il ne sera plus cantonné dans une seule voix (généralement le ténor). Déjà, au seuil du xve siècle, l'Anglais John Dunstable avait, à l'occasion, placé son cantus dans la partie supérieure, en l'ornant au point de rendre le thème méconnaissable. Le cantus firmus se morcela, passa d'une voix à l'autre ; l'intérêt ainsi rebondit et se répartit entre les diverses voix. À la fin du xve et au début du xvie siècle, la technique dite de l'imitation continue prévalut avec le style a cappella. Une longue chaîne de compositeurs illustra cette évolution depuis Dufay jusqu'à Roland de Lassus, en passant par Ockeghem, Obrecht, Compère, Josquin Des Prés, Gombert, Crecquillon dans les pays franco-flamands, Tallis, Morley, Gibbons en Angleterre, Morales et Victoria en Espagne, Ludwig Senfl en Allemagne... Cette période est dominée par Josquin Des Prés dont les motets et les messes apparaissent comme des modèles du genre. Si la plupart des musiciens de la première partie du xvie siècle ne font qu'imiter Josquin, un esprit nouveau apparaît, qui porte ses fruits dans la seconde moitié du siècle. N'oublions pas que deux événements étaient venus bouleverser la vie religieuse : la Réforme et le concile de Trente qui enjoignit aux musiciens de renoncer aux thèmes d'inspiration profane et insista sur la nécessité d'un plus grand respect des textes et d'une meilleure compréhension des paroles. Cela rejoignait les préoccupations des humanistes. D'autre part, le développement du madrigal en Italie et les transformations de style qu'il entraînait influencèrent le motet. Les musiciens, en se souciant davantage des textes qu'ils avaient à illustrer, recherchèrent des équivalences sonores, un prolongement dans la musique du symbolisme poétique. Le motet se chargea d'éléments dramatiques au point de devenir une sorte de « madrigal sacré ». Il gagne en ampleur et en intensité en même temps que s'augmente le nombre des voix, l'écriture à cinq voix et plus se substituant à l'écriture traditionnelle à quatre parties. Le plus illustre représentant de cette tendance est Roland de Lassus.
Cependant, à Venise, avec Andrea et Giovanni Gabrieli, maîtres de chapelle à la basilique Saint-Marc, se développe l'écriture à deux chœurs qui s'opposent ou s'unissent en des effets de masses. Le verticalisme harmonique remplace progressivement l'horizontalisme du contrepoint. Les Sacrae Symphoniae de Giovanni Gabrieli sont encore des motets, mais d'une richesse sonore et d'une ampleur déjà théâtrales.
Le motet polyphonique survécut encore en France, en Italie, voire en Allemagne, ne serait-ce qu'à titre d'exercice d'école, jusqu'au xixe siècle.
En France, à l'époque de Henri IV et de Louis XIII, les motets d' Eustache Du Caurroy, de Guillaume Bouzignac, d'Étienne Moulinié se rattachent à la tradition polyphonique plus ou moins altérée, mais dès la fin du règne de Louis XIII se précise l'esthétique du « motet versaillais ».
En Italie, Antonio Lotti, Giovanni Legrenzi, Alessandro Scarlatti écrivent de nombreux motets, mais les éléments stylistiques nouveaux (basse continue, importance de l'accompagnement instrumental) se mêlent aux éléments[...]
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Écrit par
- Roger BLANCHARD : musicologue
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