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MOTONOBU KANŌ (1476-1559)

Les grandes peintures murales

Le Shōkokuji avait perdu son importance. En revanche, le Daitokuji, sous l'impulsion d'Ikkyū (1394-1481) qui avait su populariser le zen et obtenir le soutien des riches marchands de Sakai, était devenu florissant. En 1513, l'oratoire de la demeure abbatiale du Daisen-in fut orné de paysages à l'encre dans le style de Muxi par Sōami et de représentations des patriarches de la secte zen par Kanō Motonobu : les compositions en « un coin » évoquent celles de Ma Yuan avec des traits un peu anguleux et des rehauts colorés. Ces fusuma (portes à glissières) montés en kakemono sont, à présent, au Musée national de Tōkyō. Pour les pièces adjacentes, Motonobu composa des décors de fleurs et d'oiseaux scandés par de grands pins aux troncs noueux, dont le cerne reste épais mais souple et qu'animent des oiseaux rehaussés de couleurs vives. Son frère Yukinobu, mort jeune, et de nombreux disciples durent participer à ce travail. Dès ce moment, dans son atelier, la discipline dut être rigoureuse et il est souvent difficile de distinguer la main du maître qui a conçu l'œuvre des mains de ceux qui furent chargés de l'exécuter.

On retrouve les mêmes caractéristiques mais avec des compositions plus sobres dans les décors exécutés entre 1543 et 1549 pour le Reiun-in du Myōshinji à Kyōto, où le thème des fleurs et des oiseaux est repris sous la direction du maître dans un atelier où travaillent ses fils Munenobu (1512-1562), Shōei Naonobu (1519-1592) et Hideyori ( ?-1577). Sur un immense tronc de pin qui occupe la moitié de la composition et qui s'étend au-dessus d'un ruisseau issu d'une cascade, une grue est perchée ; à droite, quelques oiseaux sont réunis sur un rocher peint à larges traits. Le cerne assez épais reste très souple. Une large place est faite aux vides qui donnent à la composition sa grandeur. Véritable symphonie en noir et blanc, elle porte néanmoins quelques légers rehauts colorés. Devant cette œuvre magistrale, on ne peut que regretter la disparition des décors exécutés entre 1539 et 1553 pour le grand centre de la secte amidiste Shin au Ishiyama Honganji, qui s'élevait à Ōsaka et fut, en 1580, incendié par Nobunaga, désireux de châtier la superbe des religieux qui s'opposaient à son autorité. Motonobu y avait orné les sanctuaires et les résidences des supérieurs, adoptant pour ces séries un rythme que devaient conserver ses descendants : style officiel, haut en couleurs, des salles d'apparat, auquel succède celui, plus discret, des pièces de moindre importance, décor en noir et blanc des appartements privés, qui fut repris par Eitoku pour le château d'Azuchi et par Tanyū pour celui de Nijō. On donna à ce genre de programme les noms de shin, gyō et , empruntés au vocabulaire de la calligraphie : style officiel, style régulier et écriture d'herbe ou cursive.

De nombreuses œuvres conservées au Japon et à l'étranger portent le cachet en forme de gourde, caractéristique de Kanō, mais les spécialistes remettent en cause ces attributions, les cachets ayant pu être apposés ultérieurement par certains de ses descendants.

Parmi ses fils, Hideyori doit sa célébrité à sa Visite à Takao, peinte en couleurs vives sur un fond d'or ; son œuvre signée annonce les créations de l'époque Momoyama (au Musée national de Tōkyō). En revanche Shōei montre moins de vigueur dans les décors du Juko-in au Daitokuji, décors qui contrastent avec le talent naissant de son jeune fils Eitoku.

Créateur d'un art monumental, Motonobu semble avoir discerné les dons de ce petit-fils qu'il avait formé puis qu'il prit soin, alors que ce dernier était encore tout enfant, de présenter au shōgun en 1552, semblant ainsi le désigner dès son plus jeune âge comme son héritier.

— Madeleine PAUL-DAVID

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Écrit par

  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

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