MOTRICITÉ
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L'activité motrice d'un organisme suppose un ensemble de mécanismes qui lui permettent de mouvoir un ou plusieurs de ses segments et ainsi, éventuellement, de se détacher par rapport au substrat, ce qui, à quelques rares exceptions près, est une caractéristique des animaux. Certes, on décrit des mouvements dans le règne végétal, mais il s'agit de phénomènes limités dont il ne sera pas question ici.
En toute rigueur, cette activité peut concerner soit la sphère somatique des muscles striés, soit la sphère viscérale à laquelle appartient la musculature lisse des viscères. On ne considérera ici que la première, dont la finalité, très diverse dans ses détails, se ramène fondamentalement soit à une approche (recherche de nourriture, attaque, comportement sexuel), soit à une fuite (éloignement d'une source de nuisance, d'un ennemi, de la douleur, etc.).
Implications théoriques relatives aux mécanismes de la motricité
Sur le plan le plus général, la réalisation d'une motricité organisée (on dira « intégrée ») a un certain nombre d'implications opérationnelles.
Sous le vocable général de motricité, on entend en fait deux activités distinctes qui coexistent et se conditionnent l'une l'autre. D'un côté, un ensemble de contractions musculaires toniques ou statiques assurent une certaine fixité aux diverses articulations et, donc, le maintien d'une certaine posture. De l'autre, toute une série de contractions, dites phasiques ou dynamiques, plus ou moins rapides et qui engendrent le mouvement.
Dans tous les cas, qu'il y ait nage, reptation ou déplacement par appendices, la locomotion orientée suppose une coordination à l'intérieur des structures nerveuses directement responsables de l'acte moteur, qu'il s'agisse des réseaux nerveux superficiels des Échinodermes, de la chaîne nerveuse métamérisée ventrale des Annélides ou des Arthropodes, ou de la moelle épinière des Vertébrés, également métamérisée. On doit envisager, à propos de la seconde et surtout de la troisième de ces structures, la nécessité d'une coordination « intermétamérique » (ou plus habituellement « intersegmentaire »). Si l'on pousse plus loin les implications d'une telle coordination, on est conduit, assez vite dans l'évolution du règne animal et dès que se dessine le processus de céphalisation, à postuler l'existence d'un ou de plusieurs centres coordinateurs suprasegmentaires localisés dans les masses ganglionnaires céphaliques des Invertébrés ou dans l'encéphale des Mammifères.
Dans une perspective déterministe, qui est de règle en analyse neurophysiologique ou comportementale, on admet que tout acte moteur est déclenché par un stimulus, soit externe, soit d'origine interne. À l'échelon segmentaire, un stimulus local sera l'agent déclenchant de l'acte moteur le plus simple, c'est-à-dire du réflexe. Lorsqu'on passe aux plans suprasegmentaires, les manifestations motrices deviennent plus complexes et plus diversifiées, en même temps que les stimulus responsables (« déclenchants ») relèvent d'une gamme plus variée (stimulus visuels, acoustiques, olfactifs, vestibulaires, gustatifs). Cela fait qu'en somme les modalités possibles de l'intégration sensori-motrice se multiplieront notablement.
Au-delà, l'analyse des déterminations de la motricité conduit à identifier des incitations déclenchantes beaucoup plus complexes qu'un simple stimulus isolé ; il s'agit des besoins de l'organisme qui orientent des conduites élaborées tendant à la satisfaction de ces besoins, en allant de l'élémentaire (recherche de nourriture, de boisson, d'un partenaire sexuel, etc.) au très complexe (conduites intellectuelles). L'extension de la notion de réflexe à ces formes d'activités motrices élaborées était devenue courante, jusqu'à ce qu'une conception différente s'impose, celle d'un programme central organisateur de la succession des opérations impliquées par les divers stades du mouvement. Dès lors, l'acte n'est plus une succession de réflexes mais bien une séquence prédéterminée des étapes de ce mouvement. Certes, l'introduction du concept nouveau n'éliminait pas l'exigence d'un contrôle par les informations périphériques : la nécessité d'un tel ajustement ne pouvait bien sûr être ignorée. Le jeu complexe de deux types de contrôle pouvait inspirer toute une série de formalisations, à partir de la théorie des systèmes. Le diagramme ci-contre en est un exemple adéquat et simple. On y note comment le programme central Pa, schéma cinétique « engrammé » des opérations à effectuer et qui peut être mis en route par telle incitation adéquate, dicte la succession des contractions des effecteurs E (avec en interface un sélecteur S). L'intervention motrice dans le champ d'action est à chaque instant contrôlée dans son déroulement par des incitations en retour issues des récepteurs R, en sorte que soient effectuées les corrections nécessaires. Cette rétroaction sera le plus souvent réalisée à partir de messages dépendant de l'appareil locomoteur (« propriocepteurs »), encore que d'autres informations, cutanées et surtout visuelles, puissent également intervenir. On imagine ensuite que, comme dans tout servomécanisme, il s'effectue à chaque instant une comparaison entre le mouvement effectué et le but à atteindre. C'est ce que symbolise ci-dessus le dispositif C, comparateur ou détecteur d'erreur. Ces opérations ainsi réalisées en feed-back n'en n'excluent pas d'autres, à savoir des actes en « boucle ouverte », non contrôlés en retour, tels des gestes de routine dans lesquels la probabilité d'erreur est très faible. Dans ce cas, l'acte programmé est lancé et ne sera pas corrigé en cours d'exécution. C'est à cette catégorie qu'appartient un sous-ensemble de mouvements dits balistiques, auxquels s'opposent (en quelque sorte à l'autre extrémité de la gamme) des mouvements à déroulement progressif et corrigé à mesure de leur exécution.
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Écrit par
- Pierre BUSER : membre de l'Académie des sciences, professeur émérite à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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Médias
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