MOUILLAGE
Une situation de mouillage se produit lorsque trois milieux distincts se rencontrent : de l'eau sur un solide entouré d'air, une bulle sur un matériau immergé, ou de l'huile contre de l'eau dans les pores d'une roche pétrolifère. Le comportement des gouttes peut être très varié, allant de situations où le liquide épouse la surface de son support à celles où il paraît au contraire repoussé par elle. Le contrôle du mouillage est donc crucial dans bien des applications, des vitrages à la peinture ou aux vernis, en passant par les ouvrages d'art ou le traitement des surfaces naturelles (comme la peau ou les plantes) – on trouvera autant d'applications qu'il y a de raisons d'exposer un solide à un liquide.
Science fondamentale aux applications industrielles
On a très tôt cherché à comprendre ce qui décide du mouillage ou du non-mouillage lorsque trois milieux distincts sont en présence, et c'est Thomas Young qui dans un article célèbre, en 1805, a le premier proposé une description quantitative du phénomène : posée sur un solide, une goutte développe des interfaces avec l'air, avec son support, en même temps qu'elle « efface » un peu de surface du support nu, à l'endroit qu'elle occupe. Or chacune de ces surfaces porte une énergie (appelée tension interfaciale, quand on l'exprime par unité de surface), et c'est la configuration qui minimise la somme des trois énergies de surface en jeu qui est choisie par le liquide. Ainsi, un solide possédant quand il est sec une énergie de surface élevée (du verre propre par exemple) verra la plupart des liquides s'y étaler, quitte à « développer » de la surface liquide-air. À l'inverse, une goutte restera quasi sphérique sur un solide pour lequel elle n'a pas d'affinité (énergie solide-liquide élevée). On a donc appris à traiter les solides pour modifier leur énergie de surface, et moduler la qualité du mouillage. Ainsi, une cire (constituée d'alcanes longs) ou des molécules fluorées (comme le téflon) rendent hydrophobes un solide sur lequel elles ont été déposées.
La physico-chimie du mouillage a d'abord été une science appliquée, et les contributions les plus importantes jusqu'au deuxième tiers du xxe siècle ont été écrites par des chercheurs du monde industriel, ou collaborant avec lui. Mais le mouillage est aussi devenu une science à part entière à partir des années 1970-1980, sous l'influence des chercheurs issus de la physique statistique (qui ont décrit le mouillage comme un exemple de transition de phase), et tout particulièrement d'un des plus célèbres d'entre eux, Pierre-Gilles de Gennes (prix Nobel de physique 1991). Ce dernier a consacré plusieurs années de sa carrière à décrire le comportement des gouttes autour des questions suivantes (P.-G. de Gennes, 1985) : comment s'étale une goutte ? Comment s'accroche-t-elle sur une pente ? Comment la dévale-t-elle quand elle est assez grosse ? Ces recherches, qui couvrent un large spectre de connaissances, de la physique statistique à la mécanique en passant par la physico-chimie, ont permis un véritable renouveau de la science du mouillage, avec le soutien constant des industriels, en attente de nouvelles réponses à leurs vieilles questions : comment permettre à un matériau de repousser les liquides, et tout particulièrement l'eau ? Peut-on réaliser des solides antibuée ? Existe-t-il des traitements pouvant retarder ou empêcher l'apparition de givre ? Comment mieux contrôler les gouttes à très petite échelle, comme celles qui circulent dans les canaux d'un dispositif microfluidique, ou qui, issues d'une imprimante à jet d'encre, se posent sur un papier ou un tissu ? C'est sur ces questions que des progrès ont été faits depuis une quinzaine d'années.[...]
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Écrit par
- David QUÉRÉ : directeur de recherche à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles ParisTech et au laboratoire d'hydrodynamique de l'École polytechnique
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