MOUILLAGE
Non-mouillage
Un des axes de recherche les plus compétitifs aujourd'hui concerne le non-mouillage, domaine ouvert par deux articles retentissants de la fin des années 1990. Le premier, issu du groupe japonais Kao, montre que l' eau forme des perles presque parfaites quand on la pose sur des matériaux couvert de microtextures désordonnées et hydrophobes. Plutôt qu'une découverte originale (des travaux des années 1930 relataient déjà cet effet), ce travail a eu le mérite de souligner l'aspect spectaculaire de ce phénomène et de poser des questions pertinentes sur son origine. Le second article est celui de deux botanistes allemands, Wilhelm Barthlott et Christoph Neinhuis, qui ont décrit la surface d'environ deux cents plantes super-hydrophobes. Là encore, ce sont des microtextures couvertes de cire qui produisent l'effet anti-eau, avec une grande variété de designs encore accrue par les découvertes de textures animales produisant le même effet. On ignore toujours pourquoi il existe une telle variété de textures dans le monde du vivant. Correspondent-elles à des fonctions différentes, antipluie pour les unes, antibuée pour d'autres, etc. ? Et si l'on comprend qu'il soit nécessaire que les pattes d'un gerris (« punaise d'eau ») soient super-hydrophobes pour qu'il puisse être soutenu par la surface d'une mare, on ne sait pas, dans la plupart des cas, expliquer pourquoi des feuilles (celle du Ginkgo biloba par exemple) ont développé de telles propriétés.
La raison pour laquelle la conjonction d'un vernis hydrophobe (une cire) et d'une texture produit de la super-hydrophobie est connue. Lorsque le liquide arrive à la surface d'un tel matériau, il s'arrête sur le sommet de plots qu'il lui est énergétiquement défavorable de mouiller (à cause de la cire qui les recouvre) : ainsi, c'est sur quelques plots et sur beaucoup d'air que l'eau repose, ce qui explique que les gouttes soient alors presque aussi sphériques qu'elles le sont dans l'air, dans un nuage par exemple. Or ces poches d'air sous-jacentes ont l'avantage supplémentaire de constituer une surface glissante pour l'eau, qui ne s'y accroche qu'à peine, si bien que ces surfaces non mouillantes sont aussi super-glissantes : on a ainsi gagné sur deux tableaux (D. Quéré, 2008).
Au-delà des questions de compréhension, la recherche s'est développée selon trois axes également stimulants.
– On a mis au point des textures dont le dessin permet de repousser aussi la plupart des huiles, pourtant bien plus mouillantes que l'eau. Ces textures micrométriques ont des formes de champignon, avec un pied et un chapeau, et c'est la présence de surplombs qui autorise l'huile à s'accrocher seulement sous le chapeau, préservant les cavités d'air nécessaires pour engendrer de l'oléophobie.
– La dynamique des gouttes non mouillantes est très inhabituelle. La moindre pente les entraîne ; leur vitesse est alors souvent cent fois supérieure à celle de gouttes sur des supports plus standards. Même visqueuses (comme du miel), elles vont vite, et ce, parce qu'elles roulent. En résultent des formes étonnantes, conséquence de la conjonction de leur vitesse élevée et de la centrifugation liée à leur rotation. Un des défis aujourd'hui est de comprendre ce qui fixe la force de friction qui s'oppose au mouvement des gouttes, en fonction notamment du dessin des microtextures.
– La variété des textures rencontrées dans le monde naturel pose bien des questions : ainsi on observe souvent deux échelles de rugosité, l'une vers 10 micromètres, l'autre vers la centaine de nanomètres. On se demande quel est l'intérêt d'une telle structure hiérarchique. Plus généralement, on cherche à reproduire certaines des structures observées dans la nature pour en comprendre[...]
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Écrit par
- David QUÉRÉ : directeur de recherche à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles ParisTech et au laboratoire d'hydrodynamique de l'École polytechnique
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