MOUILLAGE
Nanomouillage
Le développement d'outils d'observation à très petite échelle (microscopes à force atomique, machines de force) a ouvert un axe de recherche sur le nanomouillage d'autant plus pertinent que la microfluidique tend à réduire la taille des dispositifs. D'anciennes questions ont pu ainsi trouver réponse. On a observé depuis les années 1950 que le mouillage semble dépendre de la taille des gouttes quand elles sont micrométriques : en général, plus elles sont petites, plus elles paraissent mouillantes. Cette propriété est curieuse car l'angle de contact se décide à l'échelle moléculaire, si bien que l'on ne s'attend pas à ce qu'il soit fonction de la taille de la goutte au-delà de cette échelle. Il était devenu banal d'invoquer une grandeur appelée tension de ligne, énergie spéciale affectée à la ligne de contact comme l'énergie de surface l'est aux surfaces, pour expliquer ces déviations. Or ces arguments semblent presque toujours suspects : les effets de la tension de ligne sont attendus pour des gouttes nanométriques, alors que les observations portent sur des gouttes micrométriques. Il semble aujourd'hui établi que ces variations viennent des hétérogénéités chimiques des substrats, dont les défauts les plus mouillants « aspirent » les très petites gouttes qui ainsi en révèlent l'existence (A. Checco et al., 2003).
À plus petite échelle encore, les effets de la tension de ligne se manifestent : l'énergie en jeu étant proportionnelle au périmètre de la ligne triple solide-liquide-vapeur, une tension positive réduira le rayon de cette ligne (et donc augmentera l'angle), tandis qu'une tension négative (permise par la thermodynamique, au contraire des tensions de surface, toujours positives) aura pour effet d'étaler la goutte. Mais se pose aussi, à ces échelles justes supramoléculaires, la question passionnante de la validité des lois macroscopiques. La tension de surface comme la viscosité peuvent alors être affectées. En outre, si l'un des grands dogmes de l'hydrodynamique, qui est la condition de non-glissement des liquides sur les solides, permet d'expliquer la plupart des observations, il cesse d'être applicable aux échelles nanométriques où du glissement peut apparaître, tout spécialement si la surface est chimiquement hydrophobe. Ces différentes questions font l'objet d'un effort de recherche soutenu aujourd'hui, où les simulations numériques (qui permettent l'étude de petits systèmes, au nombre de molécules réduit) jouent un rôle majeur (E. Charlaix & L. Bocquet, 2010).
La miniaturisation a d'autres avantages, dans le contexte des surfaces texturées : pour qu'une telle surface conserve sa transparence, il faut que les textures soient petites devant la longueur d'onde de la lumière (un verre rugueux à cette échelle est opalescent), de l'ordre de 100 nanomètres ou moins. Outre la transparence, une telle surface, si elle est hydrophobe, peut être antibuée : Lei Jiang, à Pékin, a montré que la surface de l'œil du moustique est couverte de nano-plots (à l'échelle de 100 nm) qui semblent repousser les micro-gouttelettes d'eau que l'insecte rencontre dans les atmosphères humides qu'il traverse.
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Écrit par
- David QUÉRÉ : directeur de recherche à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles ParisTech et au laboratoire d'hydrodynamique de l'École polytechnique
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