TRAORÉ MOUSSA (1936-2020)
Entre autoritarisme politique et libéralisme économique
Le 19 novembre 1968, Moussa Traoré participe, avec des officiers subalternes, au coup d’État qui renverse le président socialiste et « père de l’indépendance » Modibo Keita. Bientôt président du Comité militaire de libération nationale, Traoré se proclame ensuite président de la République malienne le 19 septembre 1969.
Il va rester à la tête du pays vingt-deux années durant lesquelles il instaure un régime autocratique marqué par la censure et la répression des opposants, l’institution d’un parti unique, l’encadrement de la société civile par des organisations liées à ce parti unique, et une politique de privatisations induite par les institutions internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI), qui réduit le rôle de l’État dans l’économie, fragilisant ses infrastructures publiques.
Le 2 juin 1974, Moussa Traoré conforte sa position en validant (par 99 % de « oui ») le référendum qui institue la deuxième République malienne. Celle-ci est dotée d’une Assemblée nationale, mais la réalité du pouvoir est détenue par le président, élu tous les cinq ans au suffrage universel. À la suite de cette réforme constitutionnelle, Traoré fonde l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), qui sera le seul parti autorisé jusqu’à la chute de son régime, et dont il devient le secrétaire général. Unique candidat à la présidence de la République, Moussa Traoré est élu en 1979 puis réélu en 1985, tandis que les seules personnes autorisées à se porter candidates aux législatives, et donc à siéger à l’assemblée, sont les membres de l’UDPM. Ainsi, Traoré conforte son régime dictatorial en évinçant peu à peu ses principaux collaborateurs et opposants, comme Tiécoro Bagayoko, chef de la sûreté nationale, et Abdoul Karim Camara, meneur de la contestation étudiante, qui mourront tous deux en détention respectivement en 1983 et 1980.
Au niveau international, Moussa Traoré a joué un faible rôle dans l’évolution des relations entre les pays du Sahel malgré les opportunités durant son mandat. Il a présidé le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel de 1980 à 1983, puis l'Organisation de l'unité africaine en 1988-1989. Les bilans de ces présidences sont qualifiés de minces par ses contemporains. Il a également tenté de jouer un rôle de médiateur dans les conflits sénégalo-mauritanien et tchado-libyen, sans succès. En revanche, en 1985, il déstabilise la région et affronte le Burkina Faso de Thomas Sankara, prétextant un différend frontalier. Cette guerre durera quelques semaines.
Sur le plan intérieur, le « règne » de Moussa Traoré se caractérise par la misère, l’instabilité et l’autoritarisme. Sa présidence est marquée par des plans d’austérité, un appauvrissement de la population et un détournement important des revenus de l’aide internationale. Deux sécheresses importantes s’abattent sur le Mali (1972-1973 et 1984-1985), entraînant famines et crise humanitaire. Sous l’égide du FMI, des plans d’austérité et des mesures de libéralisation de l’économie sont mis en œuvre à partir de 1989. Les dépenses publiques sont réduites, affectant directement les services sociaux et les salaires des fonctionnaires. Durant cette période, les inégalités se creusent et le mécontentement populaire grandit. Les manifestations qui éclatent en 1991 sont ainsi qualifiées d’« émeutes de la faim ». Des associations de défense des droits de l’homme se forment alors au Mali et les intellectuels y prennent part à la révolte.
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Écrit par
- Denia CHEBLI : docteure en science politique
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Média
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