MOUSSE, physique
Une mousse se définit en physique comme un amas de bulles, celles-ci étant des sphères plus ou moins parfaites renfermant un gaz et entourées d’une mince pellicule souvent liquide. Des canaux de liquide soutiennent cet assemblage. Les bulles de savon, avec lesquelles tous les enfants ont un jour joué, en sont l’exemple le plus courant : elles se transforment en mousses légères à la surface d’un bain moussant ou en mousses plus denses sur un visage enduit de crème à raser. Dans le premier cas, elles contiennent beaucoup d’air et un faible pourcentage de liquide, tandis que dans le second elles contiennent beaucoup plus d’eau. Les mousses solides sont très diverses ; elles sont généralement fabriquées par solidification d’une mousse liquide provenant soit de produits naturels comme pour la mie de pain ou le latex, soit de produits synthétiques comme le polyéther ou le polyuréthane des éponges ou des mousses à matelas. Les laboratoires industriels conçoivent et testent sans cesse de nouvelles formules afin d’améliorer les qualités et la durabilité de ces matériaux poreux.
Les mousses sont très intéressantes par leurs qualités d’isolants thermiques ou phoniques. La mousse de savon, par exemple, bloque complètement la transmission du son dans une large gamme de fréquences. Les nombreuses recherches qui sont menées en acoustique pour comprendre comment le son se propage dans les matériaux utilisent diverses techniques de sondes acoustiques. Mais la mousse de savon est très difficile à étudier car elle est éphémère et le son n'y pénètre pas facilement. Il n’existait jusqu’à récemment aucune sonde acoustique adaptée à ce genre de mousses, et on ne pouvait guère étudier et, par conséquent, comprendre la façon dont les sons y sont atténués. Des physiciens du C.N.R.S. et des universités de Paris et de Rennes ont développé depuis 2012 une technique originale de mesure de la vitesse et de l’atténuation des ultrasons dans ce genre de matériau. Dans leur montage, un générateur produit une impulsion de caractéristiques sonores contrôlées informatiquement qu’un amplificateur transmet à un émetteur. L’impulsion d’ultrasons se propage à travers l’échantillon à étudier avant d’être capté par un transducteur (un dispositif qui convertit un signal physique en un autre) relié à un oscilloscope numérique qui l’enregistre. Les fréquences sonores utilisées varient de 60 à 600 kHz.
Grâce à cette technique, les chercheurs français ont montré, dans une étude publiée en 2014 par la revue américaine PhysicalReviewLetters, que la propagation du son est très différente selon la fréquence de l'onde utilisée. Rappelons que la vitesse du son dans l’air est d’environ 340 mètres par seconde (m/s). Selon les observations de ces chercheurs, les deux structures remplies de liquide – les films et les canaux – ont des caractéristiques très différentes : les films ont une grande surface pour une faible masse tandis que les canaux sont plus étroits et plus massifs. La vibration de l'air qui constitue l'onde acoustique entraîne les films qui tirent sur les canaux. À basse fréquence (au-dessous de 100 kHz), la vitesse du son est très faible (environ 30 m/s) : le son est ralenti par le mouvement coordonné des films et des canaux mais n'est pas bloqué. À des fréquences supérieures à 300 kHz, la vitesse du son devient plus importante (environ 220 m/s) : seuls les films bougent et le son peut donc traverser la mousse. De façon contre-intuitive, les films se comportent anormalement lorsqu’ils sont soumis à des ultrasons de fréquences intermédiaires : ils se déplacent « à l'envers », c'est-à-dire qu'ils bougent vers la gauche quand l'air déplacé par le son les pousse vers la droite, ce qui empêche un déplacement des canaux. Le son est ainsi bloqué dans les bulles de savon dans cette large gamme de fréquences.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Média
Autres références
-
INTERFACES
- Écrit par Simone BOUQUET et Jean-Paul LANGERON
- 8 287 mots
- 8 médias
...bulles formées au sein du liquide crèvent en arrivant à la surface ; mais, si l'eau contient un agent tensioactif, les bulles sont stables et s'amassent pourformer une mousse. Ces mousses sont particulièrement stables dans le cas des savons qui donnent des films suffisamment rigides et résistants.