MOUSSON ASIATIQUE
La mousson – inversion saisonnière des vents à l’interface océan-continent – contrôle l’intensité des précipitations dans les régions les plus peuplées du globe, aux basses et moyennes latitudes. Pendant l’été, les zones continentales aux marges de la ceinture équatoriale reçoivent une forte insolation ; s’établit alors un fort gradient thermique entre océan et continent, forçant les vents océaniques à pénétrer l’intérieur des terres en apportant d’abondantes précipitations (on parle alors de mousson d’été). Au cours de l’hiver, les zones de forte insolation se déplacent vers l’équateur ; le gradient thermique s’inverse, et les vents soufflent depuis le continent vers l’océan, ce qui conduit à une saison sèche à terre (on parle alors de mousson d’hiver).
Bien que la mousson soit présente dans chaque région tropicale, elle est particulièrement intense en Asie du Sud et de l’Est, où les précipitations d’été peuvent atteindre plus de trois à cinq mètres pendant la saison. L’origine de cette intensité est liée à la présence de nombreux reliefs (Himalayas, Pamir, chaînes sino- et indo-birmanes) et d’un immense plateau (le Tibet), forçant mécaniquement et thermiquement les vents à converger, à s’élever et à se vider de leur humidité.
Jusqu’au début des années 2010, la mise en place de la mousson asiatique sous sa forme moderne était donc communément datée vers 25-22 millions d’années, en réponse à la surrection progressive de ces nombreux massifs. Cette surrection est considérée comme la conséquence à long terme de la collision du sous-continent indien avec l’ensemble eurasiatique (datée autour de 55-50 millions d’années). Notons que la mousson, en favorisant l’ érosion des massifs, a entretenu depuis lors une surrection soutenue, forçant ainsi l’exhumation de roches plus anciennes, par compensation isostatique.
Pourtant, plusieurs autres modifications géographiques semblent avoir joué un rôle important – bien qu’encore controversé – dans l’établissement de la mousson asiatique en augmentant les contrastes thermiques entre océan et continent : l’assèchement entre 40 et 30 millions d’années de la mer du Tarim en Chine occidentale, immense étendue d’eau occupant alors l’emplacement actuel du désert du Taklamakan, ou encore l’ouverture de la mer de Chine il y a 30 à 20 millions d’années.
Deux autres phénomènes majeurs modifient l’intensité de la mousson. La variation des paramètres orbitaux (l’excentricité de l’orbite terrestre autour du Soleil, la précession et l’obliquité de l’axe de rotation de la Terre sur elle-même) contrôle l’insolation saisonnière – et donc l’intensité de la mousson – à une échelle de temps plus courte (périodes de l’ordre de la dizaine à la centaine de milliers d’années). Elle est la cause principale des variations de l’intensité de la mousson asiatique lors des derniers cycles glaciaires. Au cours des récentes périodes glaciaires, caractérisées par une insolation d’été plus modérée dans l’hémisphère Nord, les précipitations étaient faibles ; au cours des interglaciaires, l’insolation d’été est plus importante et les précipitations sont plus intenses.
Enfin, la température globale et indirectement l’effet de serre et la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (pCO2) contrôlent l’intensité des précipitations de mousson en agissant sur le cycle hydrologique terrestre. L’augmentation de la température mondiale entraîne plus d’évaporation aux basses latitudes et contribue de ce fait à un apport supplémentaire d’humidité dans les zones de mousson. Ce mécanisme est particulièrement critique au regard de l’augmentation de la pCO2 en cours et du réchauffement climatique consécutif. Pourtant, le forçage de la pCO2 a longtemps été considéré comme mineur à[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alexis LICHT : docteur de l'université de Poitiers, post-doctorant aux universités du Kansas (États-Unis) et de Potsdam (Allemagne)
Classification
Médias