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BARZANI MOUSTAFA (1904-1979)

Né en 1904 à Barzan, dans le nord de l'actuel Irak, Moustafa Barzani est issu d'une famille patricienne de chefs religieux (sheikh) sunnites qui participa dès le début du xxe siècle aux principales révoltes kurdes ; ses frères aînés, sheikh Abdou Salam II et sheikh Ahmed, s'illustrèrent respectivement dans la lutte contre la puissance ottomane (en 1909) et dans celle qui fut menée contre le gouvernement irakien appuyé par les Britanniques (en 1931-1932). C'est à l'occasion de ces derniers affrontements que Barzani fait ses premières armes ; après la défaite de son frère, sheikh Ahmed, il prend la tête de trois cents hommes et mène, depuis les villages turcs situés près de la frontière, une guérilla contre les troupes irakiennes ; arrêté par les Turcs, livré aux Irakiens, il est assigné à résidence à Souleymaniyé où il restera six ans (1936-1942). Ce long séjour dans la capitale intellectuelle du Kurdistan irakien permet à Barzani de se former politiquement au contact des élites nationalistes kurdes ; il participe notamment aux réunions clandestines du mouvement Brayati (la Fraternité), qui fusionnera en 1941 avec d'autres organisations nationalistes kurdes pour former le parti Hewa (l'Espoir). C'est grâce à l'aide de ce parti que Barzani peut, après son évasion de Souleymaniyé en juillet 1943, organiser de nouveau la rébellion contre le gouvernement de Bagdad (1943-1945) ; cette guérilla, ponctuée par une longue trêve, s'achève par une débâcle pour les Kurdes ; ayant compté à tort sur le soutien britannique, abandonné par certaines fractions tribales, Barzani quitte le Kurdistan irakien assiégé et gagne l'Iran (octobre 1945). Il met ses troupes au service de l'éphémère République kurde de Mahabad (janvier 1946-janvier 1947), soutenue par les Soviétiques et dirigée par Ghazi Mohammad ; ce dernier fait de Barzani l'un des quatre généraux de sa République. Après la prise de Mahabad par les troupes iraniennes, Barzani tente de négocier sa reddition auprès de Téhéran, reprend les hostilités contre les forces du shah, se replie en Irak où il est pourchassé, puis gagne l'U.R.S.S. au terme d'une marche héroïque avec quelque cinq cents compagnons (mai-juin 1947).

Il restera en U.R.S.S. pendant onze ans, d'abord en Azerbaïdjan, puis, après la mort de Staline, à Moscou où il suit des cours de russe et de marxisme-léninisme. Ce long exil en territoire soviétique, dans un contexte de guerre froide, lui vaut d'être qualifié de « général rouge » ou encore de « principal fantoche kurde de Moscou ». En fait, de 1947 à 1958, Barzani a une activité politique très limitée : il entretient peu de rapports avec le Parti démocratique kurde (P.D.K.) d'Irak créé, à son initiative et sur le modèle du P.C.U.S., à Bagdad, en 1946. Le renversement du régime monarchique irakien (coup d'État du général Kassem en juillet 1958) inaugure une nouvelle phase – la plus importante sur le plan politique et militaire – de la vie de Mollah Moustafa ; en octobre, il rentre à Bagdad où la population lui réserve un accueil triomphal. Pendant un an, Barzani et le P.D.K. collaborent avec le nouveau régime. Cette période euphorique est de courte durée. En 1960, Kassem rompt avec le Parti communiste irakien et le P.D.K., s'appuyant désormais sur les partis de droite pour gouverner et prônant l'assimilation de la minorité kurde.

En mars 1961, Barzani regagne son fief de Barzan. C'est le début d'une longue guerre (1961-1975) interrompue par des trêves lors de chaque changement de gouvernement en Irak. Longtemps méconnu à l'étranger, Barzani s'affirme, dans les années 1960, comme un homme d'État et devient, à l'intérieur comme à l'extérieur, une figure légendaire. On se plaît à évoquer la personnalité contradictoire de ce chef tribal ; profondément[...]

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Écrit par

  • : professeur d'anthropologie à l'université d'Aix-Marseille, ancien directeur de l'Institut français de recherche en Iran

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Média

Réfugiés kurdes d'Irak, vers 1974 - crédits : Michel Artault/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Réfugiés kurdes d'Irak, vers 1974

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