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AQUAFORTISTES MOUVEMENT DES

En 1862, la fondation de la Société des aquafortistes fut la première manifestation d'un mouvement de renaissance de l'eau-forte originale de peintre ; la Société était animée par l'imprimeur Auguste Delâtre (1822-1907) et par le marchand d'estampes Alfred Cadart (1828-1875). Ils publièrent trois cents eaux-fortes originales entre septembre 1862 et août 1867 dans la publication mensuelle de la Société qui comportait cinq planches par livraison. Les artistes du mouvement (dont Janine Bailly-Hezberg a retracé l'histoire et dressé le catalogue, dans L'Eau-forte de peintre au XIXe siècle : la Société des aquafortistes, Léonce Laget, Paris, 1972) appartenaient à des tendances stylistiques différentes : ainsi se côtoyaient le réalisme de François Bonvin, le japonisme de Félix Bracquemond et de Jules Jacquemart, le romantisme de Chifflart et Daubigny, l'impressionnisme de Johan Jongkind ou de Manet. Ils abordaient des genres différents, où le paysage et les vues urbaines, en particulier celles du vieux Paris, tenaient un rôle important (Corot, Daubigny, Jongkind ou Lalanne, Meryon et Martial). Le mouvement comportait des artistes français et d'autres, d'origine étrangère, affiliés aux écoles de gravure nordique, hollandaise et anglo-américaine ; il comptait des peintres ou des graveurs professionnels et des graveurs amateurs : ainsi, le beau-frère de Whistler, le chirurgien anglais Francis Seymour Haden, était membre de la Société. En 1872, Cadart, fondateur de L'Illustration nouvelle, publiait les cent trois planches en huit séries de l'album Paris : Siège et Commune (1870-1871), où la gravure à l'eau-forte rejoint le reportage de presse. La mort de Cadart, en 1875, mit un terme final au mouvement, dont le critique Philippe Burty, par ses articles de la Gazette des beaux-arts, fut l'un des plus vaillants et perspicaces défenseurs.

Son compte rendu de la gravure au Salon de 1863 apporte de précieuses indications sur la nature réelle du mouvement, qui offre toute l'ambiguïté d'une « renaissance » : il s'agit en premier lieu d'un retour à l'ancienne tradition de la gravure originale et du beau métier, menacés par l'emprise croissante et irrémédiable du « procédé » (c'est-à-dire de l'application, de la photographie à la reproduction gravée), qui semblait remettre en cause la main de l'artiste créateur. Mais c'est aussi, face à l'échec de la gravure officielle de reproduction au burin, un sursaut de l'avant-garde contre l'académisme, par lequel l'art de la gravure était menacé de mort lente. Le mouvement tendait à réhabiliter la gravure originale comme un art d'expression spontanée, qui pouvait se passer de l'aide du praticien ; depuis Rembrandt, l'eau-forte avait été en effet ce procédé par lequel la gravure était devenue accessible au peintre : il suffisait de savoir dessiner pour travailler la plaque protégée par un vernis et destinée à être ensuite soumise à la morsure de l'eau-forte, par toute une « cuisine » dont Bracquemond était expert. Dans les mêmes années, un mouvement comparable devait vivifier l'évolution de la lithographie, qui, grâce à l'affichiste Chéret (revenu d'Angleterre en 1866 pour fonder une imprimerie parisienne), trouvait de nombreux débouchés commerciaux, des affiches aux couvertures de livres.

Si le mouvement des aquafortistes produisait surtout des eaux-fortes réunies en portefeuilles ou en albums, il participait également à des publications illustrées destinées aux amateurs et aux bibliophiles. Ainsi était-il possible aux jeunes artistes du groupe de proclamer leurs affinités pour les nouvelles tendances poétiques, en particulier pour le Parnasse, un mouvement de nature comparable à celui des aquafortistes. Leur principale publication[...]

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Écrit par

  • : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense

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