OUVRIER MOUVEMENT
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Un lointain héritage
Pauvres contre riches
On ne peut séparer l'histoire du mouvement ouvrier des luttes ouvrières qui ont précédé sa formation. Il n'y a pas de solution de continuité. Certaines formes de lutte et certains types d'organisation se sont maintenus longtemps après qu'aient disparu les conditions qui les avaient fait naître. Des mentalités anciennes survivent qui peuvent contribuer à la formation de la conscience de classe.
À travers les âges, le monde du travail, quelle que soit sa forme d'organisation, s'est trouvé en opposition avec ceux qui profitaient du labeur ouvrier.
Il n'est pas besoin d'évoquer les temps lointains de la XVIIIe dynastie égyptienne qui, selon la chronique, virent « les nobles en deuil » et « les plébéiens exulter », ou la révolte de Spartacus dont le nom a souvent servi de symbole au prolétariat révolutionnaire. Le Moyen Âge à l'aube des temps modernes est suffisamment évocateur ; à cette époque, les ouvriers proprement dits se distinguent mal du « commun » et du « menu peuple ». Henri Pirenne tombe dans l'anachronisme lorsqu'il écrit qu'il n'est « pas exagéré de dire qu'aux bords de l'Arno comme aux bords de l'Escaut les révolutionnaires ont voulu imposer à leurs adversaires la dictature du prolétariat » (Histoire de la Belgique). Toutefois, le vocabulaire médiéval est très significatif de la nature de ces affrontements sociaux. D'un côté, les « petits », les « maigres », les « mécaniques », la « gent vile et de petit estat », les « ongles bleus », les « mains calleuses », le « popolo minuto », les « ciompi », les « populari », les « vilains », les « Jacques », les « croquants », le « fol peuple », etc. De l'autre côté, les « grands », les « gros », les « gras », les « mains blanches », les « bonshommes », les « hommes véritables », etc. Autant de mots qui, s'agissant du petit peuple, distinguent mal les urbains des ruraux, mais témoignent clairement de l'opposition entre les pauvres et les riches.
Premières luttes
Ces siècles sont jalonnés d'« effrois » et de « commotions », avec des années particulièrement dures : la décennie 1375-1385 marquée par la révolte de Gand (1379), celle des ciompi florentins (1378), celle de Wat Thyler en Angleterre (1381).
Au sein des métiers, des grèves sont signalées aux xive et xve siècles. Si l'idée que l'arrêt du travail est l'arme efficace entre les mains de ceux qui travaillent est fort ancienne, le mot grève apparaît tardivement. La définition qu'en donne le Littré en 1865 demeure toujours valable : « Coalition d'ouvriers qui refusent de travailler tant qu'on ne leur aura pas accordé certaines conditions qu'ils réclament ». Antérieurement, les mots varient suivant les régions et les époques. On parle de taquehan,de coquehan, de tric, de cabale, de cloque, d'herelle, de monopole, etc. À la fin du xiie siècle, on trouve dans les Coutumes du Beauvaisis de Beaumanoir une définition du takehan qui ne laisse aucun doute sur cette forme de lutte : « Alliance faite contre le commun profit quand aucunes manières de gens s'accordent qu'ils ne travailleront plus à si bas prix comme avant, mais croissent le prix, de leur autorité, et s'accordent qu'ils ne travailleront pas pour moins et mettent entre eux peines ou menaces contre les compagnons qui ne tiendront pas leur alliance ». En Angleterre, le mot strike avec le sens d'« arrêt du travail » n'apparaît guère qu'au début du xixe siècle. Mais l'expression to strike work (arrêter le travail) est utilisée au xviiie siècle.
Dans les temps modernes, à mesure que se développe l'industrie, les affrontements sociaux dans les villes prennent de plus[...]
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Écrit par
- Jean BRUHAT : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Bernard PUDAL : professeur émérite de science politique
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