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PERPÉTUEL MOUVEMENT

L'apparition du « perpetuum mobile »

Dans la mesure où la physique d'Aristote établit une séparation radicale entre les cieux et la Terre, on ne saurait s'étonner que l'idée du perpetuum mobile soit absente de la science grecque. Elle apparaît en Inde, aux environs de 1150, dans un poème didactique de l'astronome et mathématicien Bhāskara II ; elle se diffuse jusqu'en Europe par l'intermédiaire de l'islam avec une rapidité surprenante, puisque le schéma de la machine correspondante se retrouve à la fois dans plusieurs manuscrits arabes et dans le Traité d'architecture de Villard de Honnecourt composé vers 1235 en Picardie.

La machine est une roue qui doit tourner d'elle-même et sans arrêt autour de son axe horizontal. Après ce que nous avons dit plus haut du privilège de la rotation et de la circularité, cette première forme de perpetuum mobile est bien celle à laquelle on devait s'attendre. Cette roue, cependant, s'écarte des modèles célestes en ce que le principe de son mouvement perpétuel est fondé sur une dissymétrie des masses additionnelles dont elle est chargée autour de son centre. Peu importe que le projet indien constitue ces masses additionnelles à l'aide d'un liquide pesant (mercure) remplissant à demi des tubes inclinés sur les rayons de la roue, tandis que Villard de Honnecourt les réalise avec des marteaux en nombre impair, dont les manches sont articulés aux sommets d'un polygone régulier inscrit dans la circonférence de la roue. Ces projets relèvent en effet manifestement de l'idée simpliste qu'une dissymétrie suffit pour obtenir, grâce à la pesanteur, la tendance à tourner.

Il est très intéressant de constater que c'est une idée semblable, avec substitution du magnétisme à la pesanteur, qui est à l'origine, vers 1270, du projet d'un compatriote de Villard, Pierre de Maricourt. Une roue horizontale, portant une couronne de dents en fer, est en équilibre indifférent autour de son axe vertical et la dissymétrie est introduite par le pôle d'un aimant placé dans le plan de la roue, à une certaine distance du centre. L'auteur compte manifestement sur cette dissymétrie pour obtenir sur l'axe un couple non nul résultant des attractions.

La critique de ces divers dispositifs est relativement aisée. Sans entrer dans des détails superflus, on peut dire qu'en supposant éliminés tous les frottements et rendues parfaites toutes les liaisons des systèmes considérés, les rotations continues, bien que non uniformes, apparaissent théoriquement possibles à la suite d'un lancement, mais que le bilan de leurs couples moteurs est extrêmement faible. Autrement dit, il s'agit de dispositifs inaptes à se mettre d'eux-mêmes en état de fournir le résultat cherché. De plus, un rien suffit à les arrêter.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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