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MOUVEMENT

Galilée ou la naissance de la cinématique

Galilée marque une rupture dans l'histoire de la science occidentale. Certes, on peut discuter indéfiniment la question de savoir s'il s'agit d'une coupure ou d'une rupture, etc. Ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Nous adoptons le parti naïf de prendre Galilée au sérieux, lorsqu'il énonce (et annonce), au début de la troisième journée du Discours concernant deux sciences nouvelles, alors qu'il s'apprête à traiter du « mouvement local » : « Nous apportons sur le sujet une science absolument nouvelle... »

Une nouvelle définition du mouvement

Le caractère novateur de l'œuvre de Galilée en matière de conceptualisation du mouvement est indissociablement lié (nous y avons déjà fait allusion) au changement de perspective cosmologique opéré par les savants de la Renaissance, notamment Copernic et Kepler. Le cosmos tel que le conçoit Galilée n'est pas ordonné ; c'est un cosmos uniforme dont tout « pittoresque » (selon le mot d'Erwin Panofsky) a été banni ; tous les lieux y ont même valeur et même statut, a priori. De là découle que le mouvement est un état extérieur aux choses elles-mêmes, qu'il laisse pour ainsi dire invariantes, et indifférent aux « lieux » où elles se trouvent.

« Le mouvement, dit Galilée, est mouvement et opère comme mouvement, en tant qu'il est en relation avec des choses qui en sont privées. » Ainsi donc les choses peuvent être « animées » ou « privées » d'un certain mouvement, mais cela ne change rien du point de vue de leur être ; seules changent leurs relations spatiales relatives. Désormais, changement et mouvement ne peuvent plus rien avoir de commun.

Mouvement et repos : le principe de relativité

Il découle de cela que le mouvement n'est plus cette médiation normale entre l'être en acte et l'être en puissance qu'il était dans la conception aristotélicienne. En conséquence, il ne diffère plus radicalement du repos. Ce dernier perd son caractère absolu ; ce n'est plus un état auquel parviennent les choses lorsqu'elles ont rejoint leur lieu naturel. Le repos est une absence de modification dans les relations spatiales entre les choses. En cela, il est entièrement relatif. À y regarder de près, le repos est un mouvement qu'une modification de point de vue a annulé : « Ainsi, les marchandises dont un navire est chargé se meuvent en tant que, quittant Venise, elles passent par Corfou, par la Crète, par Chypre, et vont à Alep [...] mais, pour ce qui concerne les balles, caisses et autres colis dont le navire est rempli et chargé, et respectivement au navire lui-même, le mouvement de Venise en Syrie est comme nul et ne modifie en rien la relation qui existe entre eux, cela parce qu'il est commun à eux tous et que tous y participent » (Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, 2e journée). Étant en mouvement par rapport à Venise, les caisses sont rendues au repos par le changement de point de vue qui consiste à monter à bord du navire. « Il est donc manifeste, commente Galilée, que le mouvement qui se trouve être commun à plusieurs mobiles est oiseux et comme nul, s'agissant des relations entre ces mobiles, parce que rien ne change entre eux... ».

Ainsi se trouve affirmée l'équivalence entre deux modes de description, deux points de vue : celui de l'armateur resté à quai à Venise et celui du matelot embarqué avec les marchandises. L'un dira que les marchandises bougent, l'autre dira qu'elles sont au repos et ils auront tous les deux raison : leurs points de vue sont équivalents. En fait, cette équivalence demande à être précisée. La définition opératoire de Galilée ne prend tout son sens que si l'on explique ce qu'il faut entendre par ce mouvement qui est « comme nul ». Galilée s'y emploie dans le passage suivant : « Enfermez-vous[...]

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