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MOUVEMENT

Newton ou comment fonder une dynamique compatible avec la cinématique

Pour nécessaire qu'elle ait été historiquement, l'introduction de la cinématique n'est qu'une étape dans le développement de la conception moderne du mouvement. Une fois la « nature du mouvement » établie, restait à expliquer les phénomènes correspondants à partir de leurs causes ; autrement dit, restait à édifier une dynamique sur les ruines de celle de l'École. À vrai dire, ce n'était pas là la seule possibilité qui s'offrait à la science occidentale ; celle-ci s'est trouvée, après Galilée, à la croisée des chemins et la voie empruntée par Newton, qui consiste précisément à identifier les forces comme les causes des changements de mouvement, n'était pas la seule possible : on sait que Descartes s'était, quant à lui, proposé d'éliminer le concept de force de sa physique. Ironie de l'histoire : la solution qui s'est révélée être la « bonne », celle qui s'est imposée de façon contraignante, n'est pas la plus « relativiste ». Comme on va le voir, la théorie de Newton marque une forme de recul par rapport au principe, pourtant fondateur, de relativité (alors que Descartes, dans Le Monde, s'est efforcé de conduire ce principe à ses conséquences ultimes). En cela, la théorie de Newton est éminemment problématique – ce qui n'ôte rien à son intérêt épistémologique, bien au contraire.

Le rôle de l'espace absolu chez Newton

Toute l'œuvre de Newton peut se définir comme l'effort d'un homme pour établir une différentiation dynamique entre l'état de repos et les mouvements (de translation uniforme) auxquels il est équivalent en vertu du principe de relativité. Tentative très peu galiléenne, que Newton avait ses raisons (métaphysiques essentiellement) d'entreprendre. De là la fameuse distinction entre mouvements vrais et mouvements apparents, que le développement ultérieur de la physique a rendu caduque, mais sans laquelle rien de la dynamique de Newton ne peut se comprendre – puisque aussi bien c'est sur elle qu'est fondée l'introduction des forces : « Quant aux termes de temps, d'espace, de lieu et de mouvement, ils sont connus de tout le monde ; mais il faut remarquer que, pour n'avoir considéré ces quantités que par leurs relations à des choses sensibles, on est tombé dans plusieurs erreurs. Pour les éviter, il faut distinguer le temps, l'espace, le lieu et le mouvement en absolus et relatifs, vrais et apparents, mathématiques et vulgaires. Le mouvement absolu est la translation des corps d'un lieu absolu dans un autre lieu absolu. Le mouvement relatif est la translation des corps d'un lieu relatif en un autre lieu relatif. Les causes par lesquelles on peut distinguer le mouvement vrai du mouvement relatif sont les forces imprimées dans les corps pour leur donner le mouvement » (Principia).

Et Newton d'ajouter, cette fois-ci en parfaite conformité avec la théorie de Galilée (et plus spécifiquement avec l'idée qu'il existe des mouvements « sans cause ») : « Le mouvement vrai d'un corps ne peut être produit ni changé que par les forces imprimées à ce corps même, au lieu que son mouvement relatif peut être produit et changé sans qu'il éprouve l'action d'aucune force. » Ce qui fait dire à H. Weyl (dans Philosophy of Mathematics and Natural Science, 1949) que Newton n'a en définitive qu'à moitié rempli son programme (isoler les caractéristiques du repos vrai) ; en effet, s'il a réussi à établir ce qui, du point de vue dynamique, distingue les mouvements de translation uniforme des autres, en revanche, il n'est pas arrivé (et pour cause, serions-nous tentés de dire aujourd'hui) à mettre en évidence ce qui, parmi ces mouvements uniformes, singularise le repos absolu.[...]

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