- 1. Le mot et son histoire
- 2. Prose chrétienne et rhétorique classique
- 3. La fabrique du texte
- 4. Les premiers textes en prose en langue d’oïl
- 5. Les traductions de la Bible
- 6. Le XIIIe siècle et l’avènement de la prose française
- 7. Narration et textualité
- 8. Le roman arthurien
- 9. La relation entre prose et vérité
- 10. La prose aux XIVe et XVe siècles
- 11. Les mises en prose
- 12. L’historiographie à la fin du Moyen Âge
- 13. Bibliographie
MOYEN ÂGE La littérature en prose
La formation de la prose littéraire constitue un processus fondamental dans l’histoire des civilisations anciennes et modernes. Ce processus s’inscrit sans aucun doute dans un plus vaste réseau : les emplois multiples du discours en prose, des épigraphes aux journaux intimes, se développent dans des rapports étroits, tant pour la forme que pour le contenu, avec d’autres manifestations de la culture textuelle telles que le discours en vers et la liste.
C’est toutefois surtout dans le champ de la prose que les langues européennes approfondissent et organisent leurs aptitudes à traiter une grande variété de sujets et de difficultés conceptuelles : l’homme et Dieu, la nature du temps, la description du monde et des peuples, l’imagination de l’au-delà. En outre, la prose permet de répondre à un nombre d’exigences fondamentales d’ordre pratique : législation, administration, gouvernement, organisation d’activités. Une sphère qui pourrait sembler a priori étrangère aux préoccupations d’ordre littéraire, mais qui finit souvent par être en rapport avec les emplois non pratiques de la langue. La prose, enfin, représente un outil fondamental pour la compréhension et la transmission du patrimoine littéraire et plus généralement textuel : les gloses, les commentaires, les instructions pour les copistes et les illustrateurs sont habituellement écrits en prose.
Bien que la prose littéraire en ancien français apparaisse avant celle des autres langues romanes, une approche comparative demeure nécessaire pour en comprendre la portée historique et en préciser la continuité et les ruptures avec la tradition latine classique et médiévale.
Le mot et son histoire
Le substantif français « prose » dérive de l’adjectif latin prorsus, proversus,dont le sens principal indique un mouvement vers l’avant ou une position avancée. Le mot est employé comme synonyme ou pour gloser l’expression oratiosoluta, qui désigne un discours dépourvu de structure métrique. Les définitions médiévales remontent dans la plupart des cas à celle d’Isidore de Séville (Etym., I, xxxviii,1-2) : elles caractérisent un « discours continu » (productaoratio), « fluide et sans contraintes métriques » (lege metrisoluta). Isidore cite le fait que certains érudits associent l’étymon de prosaà profusus, qui rend l’idée d’une étendue discursive sans bornes préétablies. Il ajoute que la prose est née après le vers et que son origine est liée à celle de l’éloquence et du discours politique. En latin classique et médiéval, prosa est aussi synonyme de pedestrisoratio : discours non poli, modeste, de style humble ou bas, selon une métaphore héritée du grec.
Il est en revanche difficile de préciser le rapport entre les termes prosa et versus, même si la base étymologique est la même : versus indiquerait l’acte d’aller à la ligne (le mouvement de retour de la plume), opposé à une lineade prose, qui remplit l’unité de réglure (dans la préparation de la page manuscrite, espace tracé destiné en principe à être occupé par une ligne de texte) jusqu’à ses limites externes. On constate souvent, en outre, une certaine oscillation de la terminologie dans l’emploi de versus et de prosaen relation avec l’opposition de metrum (dans la métrique quantitative, qui distingue les syllabes selon leur quantité longue ou brève) et de rhythmus (dans la métrique accentuelle, qui distingue syllabes accentuées et atones). Prosapeut, en particulier, désigner le texte d’une séquence, une forme musicale paraliturgique qui s’affirme en contexte bénédictin entre le ixeet le xe siècle. Même si la terminologie moderne distingue « prose » (texte) et « séquence » (musique), dans la tradition latine, les deux mots sont interchangeables et peuvent indiquer à la fois les mots ou le chant, ou encore la musique d’une composition en vers de thème liturgique ou hagiographique.[...]
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Écrit par
- Nicola MORATO : professeur, chargé de cours de littérature française du Moyen-Âge, université de Liège (Belgique)
Classification
Médias
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