- 1. Le mot et son histoire
- 2. Prose chrétienne et rhétorique classique
- 3. La fabrique du texte
- 4. Les premiers textes en prose en langue d’oïl
- 5. Les traductions de la Bible
- 6. Le XIIIe siècle et l’avènement de la prose française
- 7. Narration et textualité
- 8. Le roman arthurien
- 9. La relation entre prose et vérité
- 10. La prose aux XIVe et XVe siècles
- 11. Les mises en prose
- 12. L’historiographie à la fin du Moyen Âge
- 13. Bibliographie
MOYEN ÂGE La littérature en prose
L’historiographie à la fin du Moyen Âge
À une époque de guerres et de conflits civils, la prose est devenue l’une des clefs pour comprendre le « corps de policie », cette morale et conduite politique dont le fonctionnement ordinaire et les arcanes font de plus en plus l’objet de théories et d’analyses. La compréhension rationnelle du présent passe souvent par l’érudition et l’allégorie, ainsi que par la référence aux classiques. L’interprétation, la moralisation, l’actualisation sont souvent symbolisées par le biais du passage du vers à la prose. C’est le cas de l'Épître d’Othéade Christine de Pizan (environ 1400-1405), qui raconte cent histoires liées au mythe de Troie et où un court texte en vers fait l’objet d’une double paraphrase et d’un commentaire en prose, selon une lecture tropologique et anagogique, qui ouvre l’accès à la dimension proprement spirituelle du récit.
Le degré zéro de l’allégorie est le sensushistoricus, ou sens littéral, l’objet principal de l’historiographie. Le centre de la scène est occupé par Jean Froissart (environ 1337-1404), dont les Chroniques couvrent les événements de 1325 à 1400 et un espace très vaste, souvent directement visité par l’auteur. En ouverture du quatrième livre, Froissart dit avoir commencé à écrire l’histoire quand il avait vingt ans et avoir continué à le faire (« plus y labeure et plus me plaist ») comme un homme d’armes continue à s’exercer dans la pratique militaire, qui le perfectionne et le nourrit. Le temps de la vie adulte et celui de l’écriture coïncident virtuellement dans cette définition du métier de l’historien. Ainsi, l’auteur s’occupe de « veriffier et justefier » ses informations pour pouvoir rassembler la « haulte et noble histoire et matiere », avec une posture qui apparaît d’autant plus moderne qu’elle repose sur une contingence tout humaine et en tant que telle faillible. Les Chroniques ont eu un succès immédiat et ont été continuées par Enguerrand de Monstrelet (mort en 1453), puis par Mathieu d’Escouchy (1420-1482) ; elles ont servi de modèle à Georges Chastellain (1405 ?-1475), fonctionnaire de la cour de Bourgogne et ensuite historiographe, auquel succédera Jean Molinet (1435-1507). Les Chroniques ont aussi été traduites dans plusieurs langues et ont fait l’objet d’un compendium par Francesco Guicciardini (1483-1540).
L’importance des œuvres d’histoire à la fin du Moyen Âge est aussi le signe d’une autre mutation : le rôle politique de l’intellectuel. Plusieurs auteurs font partie de la classe dirigeante et participent à l’administration et au gouvernement ; d’autres sont des fonctionnaires, qui écrivent aussi pour leur seigneur. Du reste, les événements de cette époque sollicitent la réflexion historique, en particulier sur la vérité et les contradictions des postures politiques que les auteurs sont forcés d’adopter. Aucune ne semble assez sûre, aucune ne semble résister aux mutations des circonstances. En ce sens, la trajectoire de Philippe de Commynes est exemplaire : il passe du service de Charles le Téméraire à celui de Louis XI, tombe en disgrâce, participe à des missions diplomatiques en Italie, toujours sans succès. C’est un écrivain désillusionné, réputé destructeur de mythes chevaleresques et courtois, une figure qui clôture symboliquement la parabole de la prose médiévale à l’époque des grands historiens du xvie siècle.
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Écrit par
- Nicola MORATO : professeur, chargé de cours de littérature française du Moyen-Âge, université de Liège (Belgique)
Classification
Médias
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