- 1. Le mot et son histoire
- 2. Prose chrétienne et rhétorique classique
- 3. La fabrique du texte
- 4. Les premiers textes en prose en langue d’oïl
- 5. Les traductions de la Bible
- 6. Le XIIIe siècle et l’avènement de la prose française
- 7. Narration et textualité
- 8. Le roman arthurien
- 9. La relation entre prose et vérité
- 10. La prose aux XIVe et XVe siècles
- 11. Les mises en prose
- 12. L’historiographie à la fin du Moyen Âge
- 13. Bibliographie
MOYEN ÂGE La littérature en prose
La fabrique du texte
Dans la culture textuelle du Moyen Âge latin, l’opposition entre poésie métrique et poésie rythmique va souvent de pair avec l’alternative entre écriture ou copie des vers verticalement et horizontalement, comme dans le manuscrit unique des Carmina Burana. L’écart entre poésie rythmique et prose apparaît moins net sur le plan visuel surtout en raison de l’ambiguïté sur le plan formel d’un certain nombre de textes, des prosaenumeratae de l’Antiquité tardive aux proses-séquences bénédictines. Naturellement, la mise en musique et (ou) la présence de la notation musicale dans l’original ou dans le modèle d’une copie jouent un rôle important, qui conditionne la mise en texte.
La tradition latine permet d’expliquer une partie des oscillations de la production vernaculaire. La poésie lyrique européenne, des origines jusqu’au xive siècle, présente en règle générale une disposition horizontale. On la retrouve dans quelques copies de textes hagiographiques en vers, vraisemblablement en raison de leur destination liturgique originaire. C’est le cas de la copie de la Chanson de saint Alexis transmise avec le Psautier de Saint-Alban.
En revanche, l’adoption de la mise en texte verticale dans la poésie lyrique est sans doute liée au divorce entre le texte et la musique. Il est probable que cette disposition s’affirme surtout à cause de la pression de modèles illustres et très répandus : c’est le cas de l’octosyllabe à rimes plates en France et de la terza rima en Italie, qui étaient d’habitude copiés verticalement. La présence de textes en vers dans un contexte en prose semble aussi encourager la disposition verticale : c’est ce qui arrive dans les copies des prosimètres latins, puis dans celles de la Vita Nova et du Conviviode Dante, mais souvent aussi dans les témoins des textes en prose qui comprennent des textes en vers, comme Aucassin et Nicolette et le Tristanen prose. Enfin, un facteur externe de portée paneuropéenne ayant pu favoriser le passage à la verticalité pourrait être l’augmentation de la production de textes en prose vernaculaire qui implique une mineure incidence de l’écriture en vers par rapport à la totalité de l’écrit. Cette disproportion toujours croissante a sans doute renforcé l’identité du discours en vers en tant que discours littéraire, marqué à la fois sur le plan des formes et sur le plan visuel, par opposition à la perte de spécificité littéraire, lente, mais inexorable, de la prose. Dans la modernité, la disposition verticale des textes en vers est devenue l’image archétypale de la poésie et un puissant facteur d’unité d’un ensemble de genres et de textes qui est resté assez hétérogène pendant des siècles.
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Écrit par
- Nicola MORATO : professeur, chargé de cours de littérature française du Moyen-Âge, université de Liège (Belgique)
Classification
Médias
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