- 1. Le mot et son histoire
- 2. Prose chrétienne et rhétorique classique
- 3. La fabrique du texte
- 4. Les premiers textes en prose en langue d’oïl
- 5. Les traductions de la Bible
- 6. Le XIIIe siècle et l’avènement de la prose française
- 7. Narration et textualité
- 8. Le roman arthurien
- 9. La relation entre prose et vérité
- 10. La prose aux XIVe et XVe siècles
- 11. Les mises en prose
- 12. L’historiographie à la fin du Moyen Âge
- 13. Bibliographie
MOYEN ÂGE La littérature en prose
Les traductions de la Bible
L’effort pour rendre accessible le texte de la Bible est une constante de l’Occident médiéval, de la traduction en gothique de Wulfila (311-383) à celle en anglais de John Wycliff (1330-1384). Des traductions partielles en français, en vers et en prose sont attestées au cours du xiie siècle en contexte aristocratique ou monastique, dans un territoire qui s’étend de l’Angleterre normande aux Flandres, au Hainaut et à la Picardie ; il y faut ajouter des versions, perdues, réalisées dans des communautés religieuses marginales et liées aux figures charismatiques de Valdès de Lyon et Lambert le Bègue.
Le premier livre de la Bible à avoir été intégralement traduit est le psautier. Il est à cet égard intéressant que la mise en page des textes-témoins du xiie siècle présente plusieurs options avec des degrés différents d’émancipation de la traduction par rapport à l’original : glose française interlinéaire, texte latin en regard du texte français, avec alignement des versets (« psautier parallèle »), texte français seul. Parfois, la traduction donne lieu à des formes de syncrétisme culturel et social : ainsi, le psautier parallèle de Winchester (avant 1161) traduit « Beatus vir qui non abiit in consilio impiorum » (« Heureux l’homme qui ne marche pas selon les conseils des méchants », ps. 1.1) par « Beonuret barun chi ne alat el cunseil des feluns », où les équivalents barun et felun transposent l’antithèse morale et spirituelle de vir-homo et impius dans le cadre des valeurs guerrières et chevaleresques.
Il faudra attendre le milieu du xiiie siècle pour avoir une version française complète de la Bible. Le parcours est complexe et il faut tenir compte de la pluralité des formes de circulation du texte sacré ; pensons même juste à l’innovation produite au début du xiiie siècle par les Bibles moralisées, livres de luxe qui présentent une synthèse de l’Écriture par images et par extraits. Il est par exemple encore difficile de préciser le rôle et l’impact de la Bible d’Acre (environ 1170-1200), dont nous connaissons une première phase de diffusion en 1250-1280. À l’université de Paris, une révision du texte latin fixé par Alcuin est effectuée en 1226 ; elle fournit la base du premier texte français intégral, réalisé pendant le règne de Louis IX. Le résultat apparaît pourtant très inégal : la traduction n’est en effet pas entièrement originale ; en outre, quelques livres présentent le texte avec la glose, tandis que pour d’autres la glose ou une paraphrase prennent la place du texte biblique. Toutefois, ce texte a eu une assez grande autorité en France et dans le domaine roman : il fut employé au cours de la première moitié du xive siècle pour intégrer la Biblehistorialede Guiart de Moulins (environ 1290-1300) dans un ensemble de rédactions que l’on appelle Bible historiale complétée.
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Écrit par
- Nicola MORATO : professeur, chargé de cours de littérature française du Moyen-Âge, université de Liège (Belgique)
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