- 1. Le mot et son histoire
- 2. Prose chrétienne et rhétorique classique
- 3. La fabrique du texte
- 4. Les premiers textes en prose en langue d’oïl
- 5. Les traductions de la Bible
- 6. Le XIIIe siècle et l’avènement de la prose française
- 7. Narration et textualité
- 8. Le roman arthurien
- 9. La relation entre prose et vérité
- 10. La prose aux XIVe et XVe siècles
- 11. Les mises en prose
- 12. L’historiographie à la fin du Moyen Âge
- 13. Bibliographie
MOYEN ÂGE La littérature en prose
Narration et textualité
La prose des premiers textes narratifs n’a pas l’aspect de la prose latine et ne prétend pas avoir le même statut rhétorique. L’absence presque totale de codification explicite avant Brunetto Latini est compensée par un investissement formel très important ; il s’agit surtout d’une compétence collective des écrivains, une codification implicite qui touche en premier lieu à la cohérence et à la cohésion du texte : le réseau des causes et conséquences, les commentaires, la progression thématique. Il s’agit aussi d’une nouvelle conception de la textualité et de la construction de l’intrigue, qui devient évidente lorsque l’on compare les narrations en prose avec leurs modèles en vers. C’est le cas, par exemple, des mises en prose du Roman de Troie avec l’original en vers de Benoît de Sainte-Maure. Mais la prose française montre surtout son originalité au niveau de l’organisation des rapports temporels et logiques de la narration, de la distribution spatiale et chronologique des actions et de leur ordre dans le récit. Des constructions sophistiquées, fondées sur l’ordo artificialis, où la succession logique et temporelle est brisée, et l’illusion de simultanéité produite par l’entrelacement d’un grand nombre de lignes narratives, permettent de maîtriser de vastes étendues chronologiques et géographiques.
À ce propos, on a souvent parlé d’une « horreur du vide » de la prose médiévale. En réalité, le temps narratif qui lui est propre est structuré aussi – et même surtout – autour de vastes vides temporels et psychologiques offerts à l’imagination des lecteurs, à la manière des immenses espaces vides qu’une cathédrale gothique rend disponibles au regard et à la médiation de l’observateur. En effet, les éléments plus modernes de cette production sont plutôt l’étendue et l’échelle des architectures narratives que la densité ou l’encombrement de la représentation. Ainsi, les romans arthuriens en prose comptent parmi les plus longs textes de la tradition narrative occidentale, et pourtant leurs protagonistes, leur passé ou leurs intentions demeurent souvent mystérieux. L’historiographie, dans ses formes monographiques (par exemple les chroniques des croisades), universelles, ou encore de récits de voyage (Marco Polo, Odoric de Pordenone et, un siècle et demi plus tard, Jean de Mandeville), condense l’ampleur, l’expérience vécue et celle du monde exploré, outre l’ouverture ethnographique.
La prose moderne est l’héritière des textes en prose du xiiie siècle et des traditions qu’ils ont inaugurées ; elle leur doit non seulement un grand nombre de personnages, de thèmes et de motifs, mais aussi la capacité de concevoir et de mettre en place de grands organismes narratifs.
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Écrit par
- Nicola MORATO : professeur, chargé de cours de littérature française du Moyen-Âge, université de Liège (Belgique)
Classification
Médias
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