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MOYEN ÂGE La littérature latine savante

Le latin médiéval a été, en son temps, l'instrument de culture qui fondait toute compréhension internationale. Dans un temps où les langues vernaculaires étaient encore grossières, il a été le conservatoire des techniques et des figures (rhétorique et poésie) ainsi que la langue sacrée du christianisme, pour lequel il constitua un trésor de textes théologiques, mystiques et liturgiques.

La tradition antique détruite et sauvée (VIe-Xe s.)

Il fallait d'abord survivre à la barbarie. Dès le viie siècle, la plupart des écoles latines allaient être fermées. Mais on disposait de plusieurs messages, qui venaient d'Augustin, Martianus Capella, Boèce et Cassiodore. Ils disaient que la culture antique, représentée surtout par Virgile, Cicéron, Platon et Aristote, pouvait s'accorder à la tradition chrétienne. Mais, dans l'immédiat, on assistait à la régression et à des solutions précaires. Isidore, évêque de Séville sous la domination wisigothique, essayait d'établir un « digest » du savoir antique dans ses Étymologies. Il y mettait beaucoup d'érudition et de compétence. Mais, peut-être faute de posséder une culture de base suffisante, les auteurs bizarres des Hisperica famina, parus vers le vie siècle, sans doute en milieu irlandais, ne retenaient de son œuvre que des notations maniéristes et baroques, qu'ils mêlaient à une vieille gnose judéo-chrétienne.

Mais des hommes existaient qui préparaient encore l'avenir. Grégoire de Tours (538 ?-594) écrivait une Histoire ecclésiastique des Francs où s'affirmait une nouvelle vision de l'histoire, hagiographique et ouverte au miracle. Le pape saint Grégoire le Grand (540-604) oriente vers la conversion des Barbares l'universalisme romain. Ses admirables Moralia in Job allaient jouer un rôle décisif dans l'élaboration de la pensée religieuse au Moyen Âge : juxtaposition du sens moral et du sens allégorique, méditation sur le sens de la douleur, qui n'allait pas épargner les hommes dans cette période.

Après le temps des Irlandais, la culture anglo-saxonne s'affirmait peu à peu tout en gardant son maniérisme (Bède le Vénérable, mort en 675, Aldhelm, env. 650-env. 710). Enfin survient la renaissance carolingienne, qui retrouve la signification culturelle de l'Empire. Alcuin (735 ?-804), qui est venu d'York, le poète Théodulphe d'Orléans (750 ?-821), l'historien Eginhard (775 ?-840), qui raconte la vie de Charlemagne dans le style de Suétone mais sans son ironie, constituent avec quelques autres une sorte d'Académie dont les membres s'identifient souvent aux poètes latins classiques. Alcuin traite auprès de Charlemagne De rhetorica et uirtutibus. Il rejoint à la fois Cicéron et Augustin, retrouve le classicisme.

La régression menacera de nouveau jusqu'à l'an mil. Elle est contenue cependant par les grandes monarchies et par les moines. Dans l'empire ottonien, Hraban Maur de Fulda (784-856) combine les enseignements d'Augustin et d'Isidore. La moniale Hrotswitha de Gandersheim écrit dans une langue digne de Térence des drames qui se présentent comme des dialogues hagiographiques en prose rythmée (par exemple Thaïs).

À la cour de Charles le Chauve, on voit surgir une figure de première grandeur ; celle du théologien Jean Scot Érigène, qui retrouve la tradition plotinienne illustrée au vie siècle par le pseudo-Denys l'Aréopagite. Il développe après son modèle une théologie de l'apophatique qui va gouverner toute la mystique d'Occident et il exalte, au-delà de l'être, le superesse divin. Un tel enseignement, qui tend à l'expression de la transcendance, le conduit à une théorie figurative et symbolique du langage qui se manifeste, dans les quelques poèmes qu'il nous a laissés, par un puissant mélange des images et des langues grecque et latine.[...]

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Écrit par

  • : professeur de langue et littérature latines à l'université de Paris-IV-Sorbonne, administrateur de la Société des études latines

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