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MOYEN ÂGE La littérature latine savante

Splendeur créatrice de la latinité romane (XIe-XIIe s.)

Une fois passées les angoisses du ixe et du xe siècle, voici que s'affirme la renaissance romane. Elle avait été préparée par des savants d'esprit encyclopédique, comme le pape Gerbert d'Aurillac (Sylvestre II, 950-1003). On assiste alors à un admirable effort pour l'édition et le commentaire des textes antiques. Parallèlement, l'épanouissement de la poésie latine se poursuit. Il avait commencé très tôt, avec Venance Fortunat (env. 535-env. 600), qui purifiait et concentrait la langue de Prudence. On favorisait, au-delà des hymnes et des séquences, le vers rythmique et assonancé qui allait s'imposer à la langue vernaculaire. Citons seulement quelques noms : Marbod de Rennes (env. 1035-1123), Hildebert de Lavardin (1056-1133), Baudry de Bourgueil (1046-1130), pour nous en tenir à la France et même au pays de Loire.

La littérature mystique connaît un extrême développement, surtout avec la religieuse rhénane visionnaire Hildegarde de Bingen (env. 1100-env. 1180), le bénédictin Guillaume de Saint-Thierry (1085 ?-1148) et son maître et ami saint Bernard de Clairvaux (1091-1153), le réformateur de Cîteaux, dont l'influence domine l'Europe.

La théologie se manifeste de trois manières. Saint Anselme (1033/1034-1109), archevêque de Canterbury, propose avec son Proslogion le célèbre argument ontologique où la mystique de l'être s'associe aux exigences de la raison pour fonder la plénitude de la joie chrétienne. Abélard (1079-1142), premier maître du nominalisme, unit la théologie à la logique et se heurte à saint Bernard qui dénonce en lui l'orgueil de l'intelligence. L' École de Chartres applique à la cosmologie chrétienne les doctrines issues du Timée. Elle favorise ainsi un éloge de la nature qui se manifeste aussi chez Alain de Lille (1128 ?-1203) dans un prosimètre, le De planctu naturae, et dans une épopée allégorique, l'Anticlaudianus, qui influencera étroitement la fin du Roman de la rose et La Divine Comédie.

De telles recherches ne peuvent aller sans une méditation plus large sur la culture. Des noms sont à retenir. Hugues de Saint-Victor (1096 ?-1141) appartient à la célèbre abbaye parisienne qui abrite dans la même période le théologien mystique Richard de Saint-Victor et Adam de Saint-Victor, le plus célèbre auteur de séquences rythmiques. Dans son Didascalicon, Hugues ne se contente pas des divisions de Martianus Capella (ve s. ; triuium : grammaire, rhétorique, dialectique ; quadriuium : arithmétique, géométrie, musique, astronomie). Il insiste sur le primat de la philosophie, introduit la morale et les arts mécaniques.

Jean de Salisbury a été conseiller de Thomas Beckett. Il est mort en 1180, il a été évêque de Chartres, où il a donc connu le portail royal, construit et sculpté vers 1150. Il est, parmi les médiévaux, le plus éminent représentant de la tradition cicéronienne. Dans son Polycraticus, il propose une morale politique qu'il doit pour une bonne part à l'auteur du De officiis, à Térence et à Plutarque et qui apporte des éléments essentiels à l'idéal chevaleresque. Dans le Metalogicus, il repense les diverses parties de la culture avec Cicéron mais aussi avec Sénèque, Virgile et Horace. Dans la rhétorique (dont le rôle est d'exprimer la vie intérieure et d'incarner le Verbe), il fait entrer la poésie à côté de la grammaire. À la dialectique, il ajoute la logique telle qu'il l'a puisée directement dans les Analytiques d'Aristote.

D'Honorius d'Autun (début du xiie s.) à Vincent de Beauvais (mort en 1264), les auteurs de « lucidaires », de « miroirs » ou de « sommes » modèlent leur enseignement sur les grandes divisions de la pensée théologique. Le statut même de la vérité leur est difficile à établir, en l'absence de toute théorie[...]

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Écrit par

  • : professeur de langue et littérature latines à l'université de Paris-IV-Sorbonne, administrateur de la Société des études latines

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