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MOYEN ÂGE La littérature latine savante

Le XIIIe siècle

À ce moment, la culture latine paraît en recul. La scolastique se forge un langage qui semble négliger quelque peu les vertus de la littérature. Cependant, la littérature latine (classique ou médiévale) fait l'objet d'imitations ou de transpositions en langue vulgaire. Nous avons parlé du Roman de la rose. Bien avant lui paraît l'Ovide moralisé.

D'autre part, trois faits poétiques de première grandeur ont lieu. Le premier est précisément l'avènement de la scolastique. S'il suscite un recul du latin classique, il implique aussi une réflexion extrêmement approfondie sur le langage. Le nominalisme suscite les théories de la supposition et la grammaire des « modistes » : on comprend que la signification des mots varie selon l'intention du locuteur. Toutes les techniques de l'équivoque peuvent donc être mises en œuvre pour la création comme pour la critique.

Avant Duns Scot, et, au xive siècle, Maître Eckhart et Guillaume d'Occam, il y a saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure, les deux Italiens qui prennent la Sorbonne d'assaut vers 1257. Rappelons seulement que Bonaventure reprend la tradition de l'exemplarisme platonicien et Thomas celle d'un naturalisme aristotélicien où la sensibilité dialogue avec l'imagination et la lumière intellectuelle. Dans son cas, il est permis d'admirer l'extraordinaire perfection du discours rationnel. Cette beauté intellectuelle est accordée au sensible ; elle apparaît aussi dans ses hymnes. Jamais langage n'a si parfaitement ressemblé à la structure architecturale des cathédrales qui naissaient alors.

Avant Thomas et Bonaventure, au début du xiiie siècle, il y eut François d'Assise. Certes, il n'a pas voulu parler latin dans ses chansons. Mais ses frères et ses fils ont employé cette langue, qui restait celle de la communauté religieuse. Un nouveau style poétique est né. Il s'est parfois exprimé dans les riches effusions d'un style flamboyant (cf. au xive siècle, Englebert de Volkersdorf, Christian de Lilienfeld, Richard Rolle de Hampole) mais aussi il a conduit à la simplicité douloureuse de l'Imitation de Jésus-Christ. La méthode en avait été trouvée par saint François dans ses extases. Elle conduisait au Dies irae de son disciple Thomas de Celano et au Stabat mater, qu'il soit ou non de Jacopone da Todi.

La littérature latine médiévale, on l'a vu, constitue par excellence la littérature du catholicisme. Certes, celui-ci a continué à produire des chefs-d'œuvre. Mais tous leurs auteurs, de Dante à Claudel en passant par les hymnes de Racine, ont été influencés par les modèles latins. Cette référence au sacré n'exclut pas le retour à un naturalisme poétique qui prépare à la fois Pétrarque et Boccace. Littérature savante, aussi, le latin est lié à l'histoire de la culture occidentale. Au Moyen Âge, il rend à la fois possible la méditation des grammairiens et des philosophes, qui en font en quelque façon leur métalangage. Il contribue à enrichir les langues vernaculaires et, si l'on peut dire, à les accoucher. Il est aussi le langage de la science lorsque, avec Roger Bacon et Robert Grossetête, celle-ci commence à se constituer. Cependant, les philosophes méditent sur Dieu, sur l'homme, préparent ce qu'on appellera plus tard le divino-humanisme. Ils font dialoguer l'exemplarisme platonicien avec la sensibilité et l'imaginaire d'Aristote et de Thomas. Ils unissent les vertus de la musique et de la rhétorique (une rhétorique de l'être). La connaissance des choses rejoint ainsi la science du langage dans une poétique créatrice. Jamais l'amour mystique ne s'était aussi bien accordé dans la parole chantante à la raison fervente et aux visions de l'intellect.

— Alain MICHEL

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  • : professeur de langue et littérature latines à l'université de Paris-IV-Sorbonne, administrateur de la Société des études latines

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