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MOYEN ÂGE La poésie lyrique

À la fois parole, musique et jeu, le lyrisme médiéval, tel que le transmettent les manuscrits, reste difficile à lire et à interpréter. Vestiges pour ainsi dire archéologiques, les écrits, même lorsqu'ils comportent une notation musicale, ne livrent plus le secret de leur vie poétique. Le lecteur moderne peut néanmoins s'affranchir de quelques idées fausses, et d'abord des illusions romantiques sur l'inspiration et la création. Composition plus objective que subjective, le poème remplit une fonction sociale précise et soumet l'expression du sentiment aux exigences d'une doctrine morale.

S'il faut chercher une structure fondamentale, la constante sociologique, on peut caractériser le lyrisme par l'attitude de l'éloge, à quoi s'oppose celle du dénigrement, qui définit la satire. Mouvement positif d'adhésion, d'approbation, de participation, le lyrisme tend à l'extase, tandis que la satire, faite de refus, de critique, de libération, se fonde sur l'émotion du rire. Par le lyrisme, l'homme s'intègre à la communauté et au monde naturel qui l'entourent. Chargée d'idéaliser, d'embellir, d'exalter ou simplement de flatter, la poésie joue alors un rôle essentiel quand il s'agit d'invoquer Dieu, la nature, la société, la femme. Mais, pour situer le lyrisme plus exactement dans le contexte historique de la littérature médiévale, c'est à l'épopée qu'on le comparera. Différence thématique : la vision épique implique la guerre et voue le héros à la mort glorieuse, la vision lyrique s'inspire du désir et invite à l'amour. Différence de discours : l'épopée raconte, submergeant par la progression du récit les stances d'évocation, le lyrisme fixe l'aventure et la description par l'analyse, l'incantation et la chaîne de ses répétitions. Et, pourtant, il y a parenté de style, car dans les deux cas l'écriture se fait hyperbole pour grandir le geste ou sublimer le sentiment.

Styles, jeux et danses

La tradition du lyrisme médiéval s'explique-t-elle par la théorie des styles ? En se référant explicitement au style tragique pour définir la chanson d'amour, Dante rappelle les principes reconnus par les écrivains du Moyen Âge. Formés par la grammaire et la rhétorique latines, ils avaient une idée hiérarchique de leur art, conforme à l'image même qu'ils se faisaient de la société. Les trois styles gravis, humilis et mediocris avaient pour personnages types le chevalier (miles dominans), le berger (pastor otiosus) et le laboureur (agricola). Dans la mesure où les poètes avaient reçu une formation savante, c'est-à-dire cléricale, ils devaient avoir tendance à transposer ces critères de leur langue de culture dans leur langue vulgaire. Nous connaissons, de fait, une abondante littérature en langue latine qui, de Fortunat (vie siècle) à l'école de Chartres (xiie siècle), a cultivé un lyrisme sérieux, tant profane que religieux. Nous savons, d'autre part, que certains clercs, se détachant des normes et de la vie d'Église, menaient une vie libre, errante (vagantes) et dissolue ( goliards), rimant en latin des poèmes satiriques. Lettrés et jongleurs étaient souvent en contact étroit, sinon toujours formés par la même culture latine. En tout cas, l'influence de celle-ci fut favorisée par l'Église (chants religieux, versus, séquences, hymnes).

Il est toutefois évident que le lyrisme médiéval utilise les ressources de plusieurs styles à la fois. Ainsi, la pastourelle, qui semble se rattacher au style humilis, ne dérive pas seulement du genre des Bucoliques, car elle met en présence et en dialogue la bergère et le chevalier, contre les villanescas et les serrallinas hispaniques. Ce mélange des styles nous empêche d'articuler simplement les genres[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

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