MOYEN ÂGE Les universités médiévales
Les universités qui apparaissent et se multiplient au cours des trois derniers siècles du Moyen Âge sont des institutions profondément originales à tous égards. Le mot universitas signifie, dans le latin médiéval, « communauté ». L'universitas studiorum est une forme originale de communauté, qui se régit elle-même et échappe aux contraintes du droit commun. Non moins originale est la tentative d'une approche universelle de la connaissance, d'universalisme de la pensée et du raisonnement, réalisée par la scolastique universitaire à son apogée. Les conséquences – tantôt heureuses, tantôt malheureuses – en sont l'insertion du monde universitaire dans toutes les fonctions sociales. L'université joue un rôle politique, mais elle est elle-même un élément des politiques et des nationalismes naissants. La même scolastique, en quoi s'étiole rapidement la spéculation théologique, est l'instrument d'une rénovation de la pensée scientifique et s'ouvre en définitive sur l'humanisme.
La corporation universitaire
L'indépendance
C'est d'un besoin d'indépendance que sont nées les universités. Indépendance envers l'autorité ecclésiastique, tout d'abord : la plupart des universités de la première génération, celles de Bologne, d'Oxford ou de Paris, se sont constituées en réaction contre l'évêque qui, par l'intermédiaire de son écolâtre ou de son chancelier, gouvernait les écoles établies à l'ombre de sa cathédrale ; les maîtres et les écoliers se plaçaient hors du clergé hiérarchisé et situaient leurs spéculations hors des contraintes épiscopales. Indépendance, aussi, envers le pouvoir laïque : toutes les armes furent bonnes, grève ou sécession dans une autre ville, pour faire reconnaître l'exemption de la juridiction laïque et l'indépendance intellectuelle que consacrèrent des statuts octroyés par le Saint-Siège. Car c'est à l'appui pontifical que les universités doivent d'avoir gagné leur indépendance. Les papes y trouvaient – de même que dans la fondation des ordres mendiants, à peu près contemporaine – le moyen d'assurer leur autorité et de contrôler directement la formation des clercs et la pureté de la foi. C'est dire le rôle déterminant joué, dans la fondation des premières universités, par les légats pontificaux.
Les princes comprirent vite qu'ils avaient intérêt à s'accommoder de la corporation universitaire, pépinière d'administrateurs, de juges et de conseillers, dont le prestige rejaillissait sur la ville et sur le prince. Les créations des xive et xve siècles sont souvent le fruit des ambitions princières et des rivalités régionales. Assurées en droit de leur indépendance, elles étaient en fait de plus en plus liées aux gouvernements laïques. Le lien qui les unissait au Saint-Siège s'estompait facilement en un temps où celui-ci était disputé, voire attaqué par les conciles réformateurs. Les universités de Plaisance ou de Pise concouraient à la gloire des Visconti ou des Médicis, celle de Paris aux œuvres du régent Bedford. Il n'était plus question d'indépendance.
L'organisation
L'université médiévale est organisée en établissements qui se gouvernent eux-mêmes. Les facultés des « arts », que l'on rencontre partout, ont pour fonction l'enseignement secondaire, celui des « arts libéraux ». Les étudiants, jeunes (de 14 à 20 ans environ) et nombreux (plusieurs milliers dans les grandes universités du xve siècle), sont souvent répartis en groupes linguistiques et nationaux. Les autres facultés, correspondant à l'enseignement supérieur, sont inégalement établies, et inégales en réputation : ainsi, Paris, célèbre pour les arts et la théologie, n'a pas de faculté de droit civil, cependant que [...]
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Écrit par
- Jean FAVIER : membre de l'Institut, directeur général des Archives de France
Classification
Médias
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