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MOYEN ÂGE Les universités médiévales

Les fonctions universitaires

L'enseignement traditionnel

La scolastique est une technique qui fonde sur la compréhension des textes faisant autorité une analyse formelle conduisant à l'énoncé de la vérité et à ses applications. Analyse grammaticale et sémantique, d'abord, qui précise le sens littéral d'où l'on s'élèvera à l'interprétation symbolique et morale. L'enseignement est avant tout une lecture commentée, un essai d'interprétation, de clarification et d'harmonisation des textes. La lecture conduit à une discussion originale des propositions tirées des autorités. Les étudiants y jouent un rôle fort actif, le maître se réservant de poser la « question », de redresser les jugements et de rassembler les arguments pour la synthèse finale. La scolastique à ses débuts fut l'instrument grâce auquel les universitaires clarifièrent la pensée médiévale. Aux aristotéliciens du xiiie siècle, Thomas d'Aquin en premier lieu, elle a permis de tenter une rationalisation de la foi en mettant en accord la pensée antique et la doctrine chrétienne. Les maîtres d' Oxford ont jeté les bases d'une conception rénovée de la connaissance, et Roger Bacon a montré l'unité du savoir, théologie comprise. Au xive siècle, Guillaume d'Ockham fondait à Oxford la logique expérimentale, Jehan Buridan pressentait à Paris les lois de la physique et les juristes organisaient un droit cohérent.

La sclérose guettait. Elle fut l'un des fruits du dogmatisme. Elle fut aussi la conséquence de la piété mystique qui se développait et rejetait toute conciliation de la raison et de la foi, celle-ci étant une connaissance en soi. La scolastique elle-même portait ses propres germes de sclérose, car la dialectique devenait une fin et un simple jeu de l'esprit. Le formalisme l'emportait. L'université souffrait aussi du mal auquel avaient été sujets les grands ordres monastiques : elle était devenue riche et puissante, elle s'était compromise dans les affaires du monde. Les maîtres formaient une aristocratie privilégiée ; les docteurs de Bologne avaient des armoiries et ceux de Paris jouaient aux hommes d'État. Quant au rayonnement universel qui avait auréolé les grandes universités du xiiie siècle, il était incomparable avec les universités provinciales du xve. Presque partout, la sclérose s'aggravait d'un rétrécissement des horizons.

Fonction politique

Les écoles du xiie siècle avaient fourni aux princes nombre de leurs plus efficaces collaborateurs. Les universités ne pouvaient que prendre une part déterminante à la vie politique, alors que grandissait à travers toute l'Europe le rôle des administrateurs. On trouva désormais maîtres et anciens élèves de l'université dans les conseils et les principaux rouages de l'État. Disposer d'une telle pépinière était donc pour les princes une nécessité, qui contraria la vocation universaliste de l'enseignement universitaire. Il fallait contrôler l'instrument de la formation d'une élite frottée de logique et de droit. À cette fin répond la création de bien des universités des xive et xve siècles : Prague et Cracovie, Turin, Aix, Dole et Louvain. C'est pour ne jamais dépendre des universités étrangères à leur domination – le droit civil s'enseignait à Orléans, et non à Paris – que Bedford et Henry VI créèrent celles de Caen et de Bordeaux, cependant que Charles VII suppléait à la perte de Paris en créant celle de Poitiers.

Le Grand Schisme (1378-1417) donna aux universitaires l'occasion de se mêler de politique en tant que corps. Ils donnèrent sur la légitimité des papes une opinion plus ou moins écoutée et s'affrontèrent pour jouer un rôle dans la détermination des souverains à l'égard de Rome ou d'Avignon. Les maîtres parisiens se posèrent en[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, directeur général des Archives de France

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Universités médiévales : naissance des Universités médiévales - crédits : Encyclopædia Universalis France

Universités médiévales : naissance des Universités médiévales

Sorbonne - crédits : AKG-images

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