MOZABITES
Une foi puritaine
On doit voir plus qu'un symbole dans le fait que les villes du Mzab sont construites autour d'une unique mosquée et que le minaret qui les domine est appelé le gardien de la cité : la société mozabite vit dans une atmosphère religieuse, et la pureté de la foi et de la morale est considérée comme la sauvegarde de la communauté.
Sur le plan dogmatique, les Mozabites s'en tiennent au seul Coran qui, pour eux, a été créé par Dieu et représente la Parole même de Dieu. Ils l'enseignent donc avec une passion d'autant plus exclusive que leur doctrine invalide les prières dont le sens n'est pas parfaitement compris et que la « récitation » coranique est la Prière par excellence. Ils professent que Dieu ne saurait être vu, même dans le Paradis. L'austérité de cette foi et l'exaltation de la divinité expliquent peut-être que dévotions superstitieuses et pratiques magiques, longtemps prédominantes au Maghreb, leur soient demeurées étrangères, bien qu'ils n'ignorent pas les besoins rituels ni les cérémonies collectives. Les cimetières, particulièrement vénérés, sont le siège de réunions périodiques fort nombreuses et le centre des assises judiciaires.
Sur le plan moral, rejetant la justification par la foi sans les œuvres, les Mozabites se montrent très attachés aux prescriptions de la Loi et à l'exercice des vertus positives. La communauté est seul juge des fautes de ses membres, hommes ou femmes, dont elle contrôle et sanctionne éventuellement tous les actes publics et privés par la tebria, sorte d'excommunication qui peut atteindre tout fidèle ; elle exclut de la prière le coupable, le met hors de la vie publique, le contraignant à s'expatrier jusqu'au moment où l'expiation lui sera permise.
Le puritanisme imposé par la collectivité a pu s'atténuer, mais le principe interventionniste s'est maintenu jusqu'à nos jours. À la décharge de ce système, certains ont fait valoir les nécessités de la survie du groupe : l'obligation pour les émigrés de revenir périodiquement assurait la continuation des familles et remettait les émigrés dans l'atmosphère du pays natal. D'autres auteurs ont admiré que cette société, où la charité est un devoir strict, n'ait point de miséreux : ils sont toujours pris en charge par un groupe ou par un quartier de la cité.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Charles-Robert AGERON : professeur émérite à l'université de Paris-XII-Val-de-Marne
Classification