MOZABITES
Les activités économiques
Les Mozabites exercent traditionnellement au Sahara des activités agricoles et commerciales ; dans le Tell, ils sont exclusivement commerçants.
L'entretien et l'arrosage des 270 000 palmiers-dattiers et des jardins des oasis exigent un labeur constant et pénible. L'agriculture ne fournit qu'une très faible partie des ressources et les Mozabites achètent la plupart de leurs denrées vivrières, y compris la viande. L'élevage, en effet, est presque inexistant ; de ce fait, l'artisanat de la laine et la confection de tapis par les femmes jouaient un rôle secondaire.
Les ressources essentielles proviennent depuis longtemps de l'émigration temporaire et des profits du commerce dans le Tell. Les jeunes hommes allaient s'employer en périodes régulières dans les boutiques ou les entreprises familiales installées au Maroc, en Tunisie et surtout en Algérie, où certaines tâches spécialisées (entreprises de balayage, de transports de matériaux), certains commerces (bouchers, fruitiers) leur étaient réservés.
Dès le xviiie siècle, à Alger, les Mozabites détenaient le monopole des bains publiques, des boucheries et des moulins. Ils s'occupaient aussi du trafic des caravanes et de la vente des esclaves noirs. Pendant la période française, ils monopolisèrent 90 p. 100 de l'épicerie de détail et contrôlèrent une part notable du commerce des tissus et de la quincaillerie. Vers 1960, on comptait à Alger 1 489 entreprises mozabites, dont 729 épiceries. Quelque 6 000 Mozabites vivaient hors du Mzab et 70 p. 100 des revenus du pays provenaient alors de ce commerce du Tell et des loyers d'immeubles urbains qu'ils y avaient acquis.
Les Mozabites, commerçants à la probité proverbiale, furent les premiers parmi les musulmans du Maghreb à assimiler les techniques commerciales modernes. Forts de leur solidarité confessionnelle et de leur assistance mutuelle, ils constituèrent des ententes commerciales efficaces et accumulèrent d'importants capitaux. Longtemps, leurs profits furent engloutis dans leur oasis, à maintenir une agriculture sans avenir. « Le Mozabite, disait-on vers 1900, est un âpre commerçant du Tell qui possède au Sahara une maison de campagne ruineuse. » Puis les capitaux furent réinvestis sur place, dans les villes du Nord : développement de nouvelles affaires, achat d'immeubles et capitalisme bancaire. Tout s'est passé comme si, une fois de plus, selon la remarque des sociologues protestants, le puritanisme avait engendré le capitalisme.
L'industrialisation actuelle du Sahara, l'animation commerciale due à la prospection pétrolière, à la construction de gazoducs et d'oléoducs ont déjà eu leur répercussion sur les conditions de vie des populations et la transformation des mentalités. Pour la première fois, ce conservatoire archaïsant qu'était le Mzab se trouve confronté à la civilisation contemporaine : il est trop tôt pour dire s'il s'en trouvera condamné.
Les Mozabites, pour exercer leurs activités, durent toujours en passer par les volontés des maîtres du pays : avant 1863, ils payaient des droits de protection aux nomades et, dans les villes du Tell, des redevances aux Turcs ; ils versèrent ensuite aux Français un tribut annuel.
En 1882, les autorités civiles décidèrent l'annexion du Mzab, « enclave vivant sous un régime de liberté illimitée du plus mauvais exemple ». Dès lors, les Mozabites ne cessèrent de faire de l'opposition à la puissance coloniale et alimentèrent en pays d'islam une vigilante et parfois hargneuse critique. Ils se donnèrent même une presse qui, à partir des années 1930, fut assez ouvertement anti-française. Cette attitude explique partiellement le rapprochement, assez inattendu, des Mozabites et des oulémas réformistes. Les Mozabites aidèrent de leur argent et de leur influence[...]
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Écrit par
- Charles-Robert AGERON : professeur émérite à l'université de Paris-XII-Val-de-Marne
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