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MRS. DALLOWAY, Virginia Woolf Fiche de lecture

Virginia Woolf - crédits : George C Beresford/ Hulton Archive/ Getty Images

Virginia Woolf

Avec Mrs. Dalloway (1925), Virginia Woolf (1882-1941) trouve sa voix en déclinant le modernisme au féminin. Sans être une pionnière de l'écriture féminine (que l'on songe aux sœurs Brontë ou à George Eliot), ni un écrivain féministe (les féministes n'aiment pas forcément l'auteur d'Une chambre à soi [1929]), Virginia Woolf aura été l'une des premières à théoriser, puis à mettre en pratique, un système d'écriture en rupture avec la grammaire d'interprétation propre au monde masculin.

Un nouveau regard sur le monde

Fluidité et porosité sont les maîtres mots de cette nouvelle poétique romanesque, aux antipodes de toute volonté de domination du monde, à l'écoute des frémissements d'une conscience unanimiste qui fait écho aux Hommes de bonne volonté de Jules Romains. Du reste, ce n'est pas un hasard si l'intrigue de Mrs. Dalloway, situé au lendemain de la Première Guerre mondiale, fait une part non négligeable aux séquelles psychiques héritées du conflit, dont témoigne la conscience traumatisée de Septimus Smith, dernière victime du culte de la grandeur impériale, qui se suicide à la fin du livre. De même, à travers le personnage du psychiatre William Bradshaw, c'est une certaine volonté de puissance et de normalisation, de type patriarcal, qui se trouve implicitement dénoncée.

Si Mrs. Dalloway est proche par bien des aspects de l'Ulysse(1922) de James Joyce, ou de Manhattan Transfer (1925) de John Dos Passos, dont il partage la commune volonté de s'affranchir des lois du réalisme et d'une chronologie linéaire, il s'en distingue néanmoins par son charme impressionniste, ses jeux de miroir entre surfaces et profondeurs également réfléchissantes, sa profonde intuition, enfin, des failles qui s'ouvrent sous l'écume des jours.

Se voulant un contrepoint aristocratique à Ulysse, dont la « grossièreté » révulsait Virginia Woolf, le roman raconte la journée d'une élégante femme du monde, Clarissa Dalloway, qui s'apprête à donner une réception, et qui va devoir apporter la preuve qu'elle est bien une maîtresse de maison parfaite, puisqu'on annonce la venue du Premier ministre en personne. Le livre mêle impressions présentes et souvenirs (on a dit du roman qu'il était le plus proustien de Virginia Woolf), moments épiphaniques et conscience d'un temps préhistorique ou apocalyptique, évocation de personnages surgis du passé, comme son ancien amant Peter Walsh, rencontré l'été de leurs dix-huit ans à Bourton, ou encore de membres de sa famille et de son entourage, croisés au gré de ses pérégrinations dans un Londres à la topographie à la fois réelle et flottante. L'unité de temps et de lieu entre discrètement en tension avec la multiplicité des trajets et des expériences individuelles propres à restituer l'âme collective d'une ville vibrante de lumières et de résonances, comparables à celles du carillon de Big Ben, dont les « cercles de plomb » rythment la marche d'un temps quasi bergsonien, entre matière et mouvement.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Virginia Woolf - crédits : George C Beresford/ Hulton Archive/ Getty Images

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