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MU‘TAZILISME

Le « kalām » mu‘tazilite

La théologie mu‘tazilite présente de nombreuses variantes selon les docteurs. Il y eut deux écoles à l'époque ‘abbāside : celle de Baṣra caractérisée par son hostilité à l'ensemble du shī‘isme ; celle de Bagdad qui resta fidèle au shī‘isme modéré. Parmi les grands noms de Baṣra, citons : Mu‘ammar, Hishām b. ‘Amr al-Fuwaṭī, Aṣamm, Naẓẓām, disciple d'Abū'l-Hudhayl ; au ixe siècle, l'école fut illustrée par le célèbre écrivain Djāḥiẓ, élève de Naẓẓām, par Djubbā'ī et Khayyāṭ ; au xie siècle, par le fils de Djubbā'ī, Abū Hāshim, qui expliqua les attributs de Dieu comme des modes de la substance divine. À Bagdad se sont signalés Bishr b. al-Mu‘tamir, qui fut persécuté par Hārūn al-Rashīd, Thumāma et Ibn Abī Du'ād.

Origines intellectuelles et spirituelles

Il est vraisemblable que le mu‘tazilisme comme théologie s'est développé parmi des croyants qui avaient une confiance absolue dans les promesses et les menaces que Dieu a annoncées dans le Coran. À l'unité de Dieu, à l'unité de la Loi révélée, doit correspondre l'unité d'une communauté ( umma) entièrement soumise à Dieu (ii, 127). Cette communauté est la meilleure qui ait surgi ; elle commande le bien et interdit le mal (c'est le amr bi‘l-ma‘rūf wa'l-nahy ‘an al-munkar ; iii, 104 et 110). Il y a un rapport étroit entre l'unité de la communauté musulmane et le culte d'adoration du Seigneur (xxi, 92 ; xxiii, 52). Les mu‘tazilites s'inspirent donc étroitement du Coran, et c'est une erreur d'avoir fait d'eux « les libres penseurs de l'islam ». Mais, très tôt, une première polémique s'instaura entre chrétiens et musulmans, en particulier dans le cercle de saint Jean Damascène et de son disciple Théodore Abū Qurra. Cette controverse eut deux conséquences en islam. Il fallait, d'une part, défendre le dogme de l'unité absolue de Dieu ( tawḥīd) contre les doctrines trinitaires et, d'autre part, disposer pour cela d'un instrument logique de discussion. À l'encontre de ceux qui repoussaient purement et simplement tout ce qui était étranger à l'islam comme dépourvu de la moindre valeur (tendance ḥanbalite), les mu‘tazilites voulurent combattre et s'en donner les moyens. Or les chrétiens, pour faire admettre aux musulmans les trois personnes de la Trinité, s'appuyaient sur les attributs divins (ṣifāt) qu'énonce le Coran lorsqu'il dit que Dieu est savant, puissant, vivant, parlant, etc. Parmi ces attributs correspondants de science, de puissance, de vie, de parole, etc., les apologistes chrétiens en choisissaient trois à leur guise pour caractériser les personnes divines. Il semble que, pour couper court à de telles tentatives, les mu‘tazilites aient soutenu que les attributs qu'on induit du texte coranique ne sauraient exister séparés de l' essence, car alors, ceux-ci étant éternels comme Dieu, il y aurait plusieurs éternels et l'unité absolue de l'essence divine serait brisée. En réalité, les attributs se réduisent à l'essence : Dieu n'est pas savant par sa science, ni puissant par sa puissance, mais par son essence. Sans doute cette indispensable réponse aux chrétiens n'est-elle pas la seule explication de la théologie mu‘tazilite des attributs. Des raisons intérieures à l'islam interviennent également ; en effet, prendre dans son sens strict certaines expressions coraniques, comme le faisaient des hommes dont la piété s'accrochait à chaque lettre du Livre révélé, auquel ils vouaient par respect un véritable culte, conduisait non seulement à fragmenter l'essence divine, mais aboutissait en outre à l'anthropomorphisme des ḥashwiyya. On peut noter que ce[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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