MUCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée), Marseille

Une architecture minérale et équivoque

Mêlant prouesses techniques et puissance esthétique, le bâtiment J4 représente le lieu emblématique du musée. Conçu par l’architecte Rudy Ricciotti associé à son homologue Roland Carta, il s’inscrit dans le cadre d’une vaste rénovation urbaine et prend place sur une nouvelle darse jouxtant le fort Saint-Jean, édifié au xvii^e siècle. Entre ciel et mer, la minéralité du J4 revêt les proportions d’un plan classique latin. Par égard à ce qui l’entoure, la volumétrie du Mucem est simple et horizontale : un cube de dentelle (résille) de béton formant un carré parfait de 72 mètres de côté, tenu par 309 poteaux arborescents qui libèrent le centre du bâtiment de toute fonction porteuse.

Dans ce carré, s’en inscrit un autre de 52 mètres de côté, comprenant les salles d’exposition sur deux niveaux, un auditorium de 335 places assises (accueillant conférences, spectacles, concerts et cycles de cinéma), un espace de projection de documents audiovisuels (« la Médinathèque »), une aire dédiée aux enfants, une librairie-boutique. On trouve également les coulisses indispensables au fonctionnement d’un musée : ateliers, lieux de stockage, bureaux, départements réservées à la conservation et à la recherche, etc.

Au rez-de-chaussée, depuis le hall, on accède à l’exposition semi-permanente. La « galerie de la Méditerranée » se déploie dans un espace de 1 600 mètres carrés. Cette exposition thématique, modulable dans sa présentation, est amenée à se transformer tous les trois à cinq ans. Les expositions temporaires se développent au niveau 2. La flexibilité des espaces permet de donner à chaque exposition la surface qui lui convient – entre 300 et 2 000 mètres carrés.

Tout autour du musée, la résille de béton filtre la lumière, créant un jeu d’ombres mouvant à l’intérieur et formant à l’extérieur une deuxième peau protectrice. Dans l’interstice, deux rampes extérieures, accessibles depuis le rez-de-chaussée, serpentent jusqu’au toit-terrasse, en distribuant les trois niveaux, et nous plongent dans l’imaginaire de la tour de Babel ou d’une ziggourat. C’est l’occasion d’une promenade architecturale, en prise directe avec l’environnement extérieur proche et lointain. Entre le fort Saint-Jean et le large, les circulations donnent corps à ces respirations nécessaires dans le parcours de visite, que Ricciotti qualifie de moment « démuséifiant », et qui offre au regard et à l’esprit l’horizon de la Méditerranée.

De la terrasse, qui accueille brasserie et restaurant, s’élance une passerelle aérienne vers le fort Saint-Jean, simple trait de béton noir suspendu à 19 mètres de hauteur. Un défi technique réalisé grâce aux propriétés exceptionnelles du béton fibré. Le choix de ce matériau permet une réduction de matière et contribue largement à l’écriture minérale et graphique de l’intégralité du musée. Sa couleur mate et sableuse blanchit au soleil. Quand la nuit tombe, le bâtiment s’anime de lumières imaginées par l’artiste Yann Kersalé.

Toute l’architecture du Mucem se trouve traversée de tensions – entre introversion et externalisation, entre défi technique et simplicité formelle, entre terre et mer. Ce parti pris matérialise en quelque sorte la nature proprement ambivalente du lieu : un musée des civilisations au carrefour de collections et d’aires culturelles multiples.