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MUCOVISCIDOSE ou FIBROSE KYSTIQUE DU PANCRÉAS

Le gène et la protéine CFTR

Les années 1990 ont été marquantes dans la découverte des gènes de maladies génétiques. Identifié en 1989, le gène de la mucoviscidose a été, avec celui de l’hémophilie et celui de la myopathie de Duchenne, parmi les tout premiers gènes de maladie monogénique à avoir été clonés.

Pour identifier le gène responsable de la mucoviscidose, une stratégie dite « de génétique inverse » (ou encore de clonage positionnel) a été mise en œuvre. La protéine mutée dans cette maladie étant inconnue, il a fallu tout d’abord localiser le gène sur l’un des 22 chromosomes autosomes, puis s’en rapprocher en étudiant la liaison du gène CF avec des gènes ou des marqueurs de localisation chromosomique connue pour, in fine, l’identifier. En 1985, une première étape est franchie par une équipe canadienne de l’Hospital for Sick Children à Toronto, dirigée par Lap-Chee Tsui, qui localise, grâce à une analyse de liaison génétique, le gène CF sur le bras long du chromosome 7, en 7q35, région chromosomique qui contient par ailleurs plusieurs gènes liés à la physiologie gastro-intestinale.

Un consortium de laboratoires européens dirigé par Robert Williamson, à Londres, entre alors dans la compétition et est près d’aboutir, mais, malgré malgré l’excellent travail de celui-ci, c’est finalement, en 1989, l’équipe américano-canadienne coordonnée par Tsui, Riordan et Collins qui réussit le tour de force d’isoler (de cloner) le gène CF responsable – qui devient CFTR pour cysticfibrosistransmembrane conductance regulator, du fait des caractéristiques fonctionnelles de la protéine pour laquelle il code. Ces résultats sont publiés dans trois articles successifs de Science, ouvrant de nouvelles perspectives pour comprendre la maladie et imaginer des stratégies thérapeutiques.

Structure tridimensionnelle et fonctionnement de la protéine CFTR - crédits : à gauche : Laboratory of Membrane Biology and Biophysics at The Rockefeller University ; à droite :EUF

Structure tridimensionnelle et fonctionnement de la protéine CFTR

CFTR est un gène d’assez grande taille, long d’environ 180 000 nucléotides. Sa partie codante est organisée en 27 exons qui définissent une protéine transmembranaire de 1 480 acides aminés, appartenant à la famille des transporteurs membranaires ABC, c’est-à-dire des protéines qui utilisent l’adénosine triphosphate (ATP) comme source d’énergie pour réaliser un transport actif d’ions et de molécules organiques au travers de la membrane cellulaire. La protéine CFTR est un canal chlorure qui régule le passage vers l’espace extracellulaire des ions chlorure et bicarbonate au niveau des cellules épithéliales de l’organisme, en particulier au niveau pulmonaire et pancréatique : les ions Cl- qui pénètrent dans la cellule par la membrane basale en même temps que les ions Na+ et K+ sont expulsés au travers de la partie apicale de la cellule par la protéine CFTR. Cette dernière est engagée dans un complexe de protéines membranaires, et son activité (c’est-à-dire l’ouverture plus ou moins marquée du canal) est régulée entre autres par l’adénosine monophosphate (AMP) cyclique. La protéine présente deux sites de liaison à l’ATP et un domaine de régulation de son activité, le domaine R.

Une mutation fréquente, la perte de trois nucléotides correspondant au codon 508 de la protéine (Δp.Phe508 = c.1521 – 1523del CTT) situé dans l’exon 10, est présente chez 70 % des allèles mutés en France et est décrite dans la publication princeps de Science. Elle se traduit par la perte d’un seul acide aminé (la phénylalanine), ce qui empêche la protéine de se replier de manière correcte ; elle est alors retenue sur son lieu de synthèse dans le réticulum endoplasmique et dégradée.

Immédiatement après la découverte du gène et de sa principale mutation, Lap-Chee Tsui propose la création d’un consortium international d’études des mutations (Cystic Fibrosis Genetic Analysis Consortium). Un peu plus tard, une seconde base de données associant des données fonctionnelles aux variants identifiés est[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, praticien hospitalier (PU/PH), professeur émérite de génétique médicale, université de Brest

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Médias

Malade atteint de mucoviscidose - crédits : RyanJLane/ getty Images

Malade atteint de mucoviscidose

Atteintes pulmonaires et pancréatiques de la mucoviscidose - crédits : Claude Ferec/ INSERM

Atteintes pulmonaires et pancréatiques de la mucoviscidose

Structure tridimensionnelle et fonctionnement de la protéine CFTR - crédits : à gauche : Laboratory of Membrane Biology and Biophysics at The Rockefeller University ; à droite :EUF

Structure tridimensionnelle et fonctionnement de la protéine CFTR

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