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MUCOVISCIDOSE ou FIBROSE KYSTIQUE DU PANCRÉAS

Les traitements de la mucoviscidose : la révolution des thérapies « mutations spécifiques »

Pendant de nombreuses années, les traitements existants contre la mucoviscidose étaient symptomatiques, reposant sur l’antibiothérapie, pour contrôler les infections aiguës et chroniques, et la fluidification du mucus par la kinésithérapie respiratoire quotidienne pour améliorer sa clairance. Au niveau gastro-intestinal, le premier objectif a été d’améliorer les paramètres nutritionnels en apportant des enzymes pancréatiques et des vitamines liposolubles, ce qui permettait d’éviter la cassure de poids lors de la croissance des enfants. Le traitement classique repose sur des cures de chimiothérapie anti-infectieuse et anti-inflammatoire, en général plusieurs fois par an en centres spécialisés, de façon à diminuer la charge microbienne. La dégradation inéluctable de la fonction pulmonaire au fil des ans conduit à une insuffisance respiratoire terminale, où la seule option thérapeutique reste la greffe pulmonaire, qui s’est développée à partir des années 1990.

À la suite de la découverte du gène CFTR, de grands espoirs ont été portés sur la thérapie génique à l’aide de vecteurs viraux recombinants exprimant le CFTR – en particulier des adénovirus – mais, après de nombreux essais de phase 1, les résultats n’ont pas été probants, ce qui est dû en particulier à la difficulté de franchissement par le vecteur de la barrière muqueuse pulmonaire et à l’immunisation contre l’adénovirus, rendant inefficace le vecteur. Il n’en demeure pas moins que la thérapie génique reste une voie de recherche qui repose sur la découverte de nouveaux vecteurs viraux ou de vecteurs chimiques d’ADN ou d’ARN messager, voire sur des stratégies d’édition du génome visant à corriger le gène muté par des techniques dérivées de CRISPR-Cas9 (« ciseaux moléculaires »).

Une page nouvelle a été tournée avec la découverte des thérapies spécifiques et plus particulièrement des thérapies dites « mutations spécifiques ». Ces traitements reposent sur l’usage de petites molécules appelées « modulateurs » qui se lient à la protéine CFTR et sont capables de restaurer partiellement sa fonction. Une première étape a été franchie dans les années 2010 avec l’évidence que certaines molécules dites « potentiatrices » – développées par la société Vertex Pharmaceuticals – pouvaient agir spécifiquement sur certaines mutations du gène, en particulier sur des mutations de classe 3 que l’on qualifie de « mutations de fermeture » – le canal CFTR est présent à la membrane, mais il est fermé et ne peut s’ouvrir. L’exemple le plus marquant de ces mutations de fermeture est la mutation G551D, retrouvée plus fréquemment dans les populations d’origine celtique. Une molécule potentiatrice, l’ivacaftor (IVA, Kalydeco®), qui augmente l’ouverture du canal Cl, apporte au patient porteur une amélioration de la fonction respiratoire, mesurée par une augmentation significative du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS), une diminution des exacerbations pulmonaires et des séjours en hospitalisation. Un premier pas important, dont seuls les porteurs de ces mutations de classe 3 (5 % des patients) pouvaient bénéficier.

Ce même laboratoire Vertex Pharmaceuticals propose ensuite d’associer à cette molécule potentiatrice d’autres molécules dites correctrices permettant d’agir sur le mauvais repliement de la protéine CFTR mutée et d’augmenter la quantité de celle-ci à la surface de la cellule. Ces deux correcteurs – lumacaftor (LUM) et tezacaftor (TEZ) – utilisés en combinaison avec l’ivacaftor ont conduit à des résultats remarquables. La combinaison LUM-IVA (Orkambi®) a été approuvée pour traiter les patients p.Phe508del homozygotes. L’association TEZ-IVA (Symkevi®) est aussi[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, praticien hospitalier (PU/PH), professeur émérite de génétique médicale, université de Brest

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Médias

Malade atteint de mucoviscidose - crédits : RyanJLane/ getty Images

Malade atteint de mucoviscidose

Atteintes pulmonaires et pancréatiques de la mucoviscidose - crédits : Claude Ferec/ INSERM

Atteintes pulmonaires et pancréatiques de la mucoviscidose

Structure tridimensionnelle et fonctionnement de la protéine CFTR - crédits : à gauche : Laboratory of Membrane Biology and Biophysics at The Rockefeller University ; à droite :EUF

Structure tridimensionnelle et fonctionnement de la protéine CFTR

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