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MULTATULI (1820-1887)

L'œuvre et le chef-d'œuvre

Le talent de Multatuli connut une longue période d'incubation. N'avait-il pas déjà quarante ans lorsque parut à Amsterdam son premier livre : Max Havelaar, ou les Ventes de café de la Société commerciale néerlandaise (Max Havelaar of de Koffijveilingen der Nederlandsche Handel-Maatschappij) ?

Pourtant, depuis longtemps, il rêvait de devenir un grand écrivain. Au début de sa carrière coloniale, il écrivait des vers dont certains ont été repris dans Max Havelaar. De ton romantique, mais de forme classique, ces poèmes ne laissent en rien prévoir le talent du prosateur qui allait se révéler. Après la rupture de ses fiançailles avec une jeune catholique, Caroline Versteegh, et sa révocation par le général Michiels à Natal, il écrivit le drame L'Infâme (De Eerlooze, 1843) afin de réagir contre sa déception. Cette pièce, qui s'intitula par la suite La Fiancée là-haut (De Bruid daarboven), a pour personnage principal Holm, qui supporte son martyre avec volupté. C'est la première création originale de Dekker, un Havelaar en miniature. Il essaya vainement de faire représenter cette histoire pathétique, bien que l'œuvre eût été retravaillée alors qu'il composait Max Havelaar. Déjà à Menado, il avait repris contact avec son ami d'enfance, A. C. Kruseman, éditeur à Haarlem, auquel il avait envoyé des manuscrits qui prouvaient son talent ; mais il ne parvint pas à se faire éditer en Hollande. Les meilleurs écrits de cette époque sont les lettres de fiançailles qu'il adressa à Tine (reprises dans les Œuvres complètes, t. IX). Elles manifestent une âme sensible à l'extrême, « pleine de contradictions », dont il parle avec une grande honnêteté dans le sixième chapitre de Max Havelaar. Son langage spontané, original, dépouillé de toute rhétorique classique et de toute emphase contraste heureusement avec le style affecté de ses contemporains aux Pays-Bas.

Max Havelaar, paru sous son pseudonyme, lui apporta immédiatement la notoriété. Il avait atteint la gloire littéraire dont il rêvait, mais les répercussions politiques du livre, qui était à la fois un plaidoyer pro domo et une défense des Javanais exploités, sous la forme d'un récit romancé de l'« affaire Lebak » et de ses précédents, restèrent bien en deçà de ce qu'il espérait. Ses œuvres suivantes portent la marque de cette nouvelle déception. Lettres d'amour, Du libre travail dans l'Inde néerlandaise (Over Vrijen Arbeid in Nederlandsch Indië, 1862) et les premiers volumes d'Ideën montrent des traces d'amertume dues au « cas Havelaar » que Multatuli avait élevé au rang de question nationale. Son retentissement dans la vie politique de la nation fut mince ; peu de modifications radicales en résultèrent dans la politique coloniale, bien qu'une enquête eût admis le bien-fondé de l'accusation qui était contenue dans Max Havelaar. Les sept volumes d'Ideën (le septième avait paru en 1877) révèlent un Multatuli engagé, qui voulait avoir son mot à dire de la façon polémique et paradoxale qui lui était propre, en matière de politique, d'éducation, de morale, de religion, de philosophie. Structuré d'une manière originale, Ideën se présente sous la forme d'aphorismes, de boutades, d'essais, de petits tracts, de paraboles qui sont les germes de la première révolution importante contre l'institution bourgeoise dans la littérature néerlandaise. L'École des princes met en scène ses idées sur la monarchie à qui il assigne un rôle social envers la nation. L'amusante Histoire de Woutertje Pieterse raconte les aventures d'un gamin d'Amsterdam ; c'est une Bildungsgeschichte, d'ailleurs assez sarcastique, qui offre également quelques critiques sociales. Mille et Quelques Chapitres sur[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur ordinaire à l'Université catholique de Louvain (Belgique)

Classification

Autres références

  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE LITTÉRATURES

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    • 6 824 mots
    • 3 médias
    L'œuvre romanesque majeure de l'époque est sans aucun doute Max Havelaar (1860) de Multatuli (pseudonyme de Eduard Douwes Dekker, 1820-1887). Polyphonique almalgame de récits à tiroirs, ce roman est avant tout une critique du régime corrompu exploitant les Indes néerlandaises.