MUON ET MODÈLE STANDARD EN PHYSIQUE
Nombre de progrès de la connaissance scientifique sont dus à l’exploration de domaines jusque-là techniquement inaccessibles : ainsi, en physique des particules élémentaires, la découverte, à la fin des années 1960, de la structure interne du proton, a nécessité le bombardement de la matière par des faisceaux d’électrons d’énergie inégalée à l’époque, et la découverte du boson de Higgs n’aurait pu être annoncée en 2012 sans la mise au point de collisionneurs de protons d’énergie encore plus élevée. Dans d’autres domaines de la physique, c’est l’utilisation de lasers très puissants, le piégeage d’atomes refroidis jusqu’à des températures record, ou l’observation des confins de la Galaxie qui ouvrent le champ aux nouvelles découvertes. Une autre approche, peut-être plus difficile à populariser, en tout cas plus discrète, repose sur la quête d’une amélioration significative de la précision de certaines mesures emblématiques. La mesure du moment magnétique des électrons et des muons est caractéristique de cette deuxième voie, et les résultats récents obtenus par une équipe de physiciens du laboratoire Fermi, près de Chicago (États-Unis), ont encore démontré sa fécondité – allant jusqu’à la mise en cause de la validité du modèle standard actuel des interactions fondamentales.
Spin et moment magnétique des particules élémentaires
En physique classique, un corps chargé en rotation est sensible à un champ magnétique, cette sensibilité étant caractérisée par l’intensité de son moment magnétique. Ainsi, un électron (de charge Q et de masse m) en rotation uniforme à une vitesse vsur une boucle de courant de rayon r a un moment magnétique proportionnel à son moment angulaire (produit vectoriel m·r·v). Le coefficient de proportionnalité – appelé rapport gyromagnétique – est égal à Q/2m.
En physique quantique, les expériences ont démontré qu’il faut aussi tenir compte de l’existence d’un moment angulaire intrinsèque de pratiquement toutes les particules élémentaires, appelé « spin ». Cette espèce de rotation sur elle-même d’une entité pourtant ponctuelle est quantifiée par la minuscule constante de Planck h = 6,63 × 10–34 joule seconde (J·s) : le spin de l’électron, du muon, des neutrinos ou des quarks est égal à h/4π, tandis que le spin du photon ou celui des gluons égale h/2π ; le boson de Higgs est la seule particule élémentaire connue dont le spin soit nul.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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Médias