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MURALISME

Un art transnational

Durant les deux décennies qui précèdent la Seconde Guerre mondiale, le muralisme mexicain jouit d'un prestige incontestable à l'échelle du continent tout entier. En 1927, après l'échec d'un premier attentat contre Trotski, Siqueiros est emprisonné, puis il doit s'exiler dans différents pays d'Amérique latine – Venezuela, Argentine, Uruguay, Chili, Cuba (où il peint en 1936 Allégorie de l'égalité raciale à Cuba) – où il va expérimenter de nouvelles techniques.

Par ailleurs, nombre d'universités et de « fondations » nord-américaines demanderont aux muralistes de venir s'exprimer sur leurs murs : Orozco au Pomona College de Los Angeles, à la New School for Social Reseach à New York (1931) et à la Baker Library du Dartmouth College à Hanover (1934) ; Rivera au Detroit Institute of Arts (1932-1933), à la California School of Fine Arts (1931), au Rockefeller Center de New York (1933) ; Siqueiros au Plaza Art Center à Los Angeles (1933). Ces expériences ne manqueront pas de susciter parfois des réactions négatives. Ainsi, Rivera ne pourra pas terminer sa fresque du Rockefeller Center, qui sera détruite parce qu'on y voyait une attaque frontale et « communisante » contre le capitalisme industriel ; Siqueiros pousse l'audace jusqu'à intituler la première fresque qu'il peint à Los Angeles en 1932 L'Amérique tropicale opprimée et détruite par les impérialistes : elle sera recouverte de plâtre (il a été question, en 2006, de la restaurer). Il n'en reste pas moins qu'on reconnaît aujourd'hui que le graphisme tourmenté d'Orozco a marqué de son empreinte l'expressionnisme abstrait. De son côté, Siqueiros crée en 1936 à New York The Siqueiros Experimental Workshop, dont Jackson Pollock sera un élève assidu, et de nombreux jeunes artistes partagent, comme l'écrit Serge Fauchereau, « sa passion pour les nouvelles techniques appliquées à la peinture : nouveaux types de supports, nouveaux colorants, nouveaux outils (pistolets industriels, projecteurs photographiques, etc.), utilisation du hasard contrôlé des giclures, coulures, éclaboussures... ».

Du Nicaragua sandiniste au Chili, entre 1973 et 1989, les mouvements révolutionnaires ou de résistance à un régime dictatorial auront souvent recours à la peinture murale pour s'exprimer ou protester. À partir de la fin des années 1960, on assiste aux États-Unis, et en particulier dans les États du Sud-Ouest, où vit une importante communauté d'origine mexicaine, à une véritable explosion de la peinture murale, qui n'est pas, comme jadis au Mexique, commanditée par l'État et qui fleurit rarement sur les bâtiments officiels mais sur les murs de maisons modestes de quartiers populaires, des façades de magasins, des piles de ponts autoroutiers. Il s'agit de rappeler les origines ethniques et culturelles d'une partie de la population, d'encenser les gloires locales ou nationales, de fixer l'histoire du quartier, et parfois de faire travailler des jeunes délinquants ou marginaux à un projet collectif. On est donc passé en un siècle d'un mur à l'autre, au nom de la continuité de la mémoire collective, de l'appel à la lutte sociale et de la sauvegarde d'un fonds culturel millénaire.

— Claude FELL

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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