MURASAKI SHIKIBU (978 env.-env. 1014)
Dame d'honneur à la cour de Heiankyō (Kyōto) dans les premières années du xie siècle, Murasaki Shikibu est l'auteur du Genji monogatari, œuvre capitale de la littérature romanesque du Japon. Toute la société courtoise du temps revit dans cette fresque monumentale, qui n'a guère d'équivalent en Occident avant le xixe siècle. L'acuité de l'analyse psychologique fait si bien oublier la distance dans le temps et dans l'espace qu'en dépit de la différence des mœurs et des usages le lecteur moderne n'en retient qu'une surprenante impression de vérité humaine universelle.
Une lignée de poètes
Ce que l'on sait de Murasaki Shikibu tient en quelques lignes. Une généalogie d'abord. Appartenant à une branche cadette du clan des Fujiwara qui, étroitement lié à la dynastie par les femmes, détenait alors la réalité du pouvoir, elle descendait d'une lignée de poètes : son arrière-grand-père Kanesuke avait été un ami de Ki no Tsurayuki, le compilateur du Kokin shū, et son père Tametoki avait composé des poèmes estimables en chinois classique.
Une anecdote, rapportée dans le Journal de Murasaki Shikibu, rend compte de l'étendue de sa culture, rare chez une femme de son époque : Tametoki s'était en effet chargé de l'éducation de sa fille, dont la mère était morte, et il lui faisait suivre les leçons de lettres chinoises qu'il donnait à son fils aîné Nobunori ; or, l'intérêt qu'elle manifestait pour ces études était si grand, et ses progrès si rapides, que le père se prenait à regretter qu'elle ne fût pas un garçon.
Née probablement en 978 (autres dates proposées : 970 ou 973), elle avait, en 996, suivi son père dans la province d'Echigo, dont il avait obtenu le gouvernement ; revenue dans la capitale l'année suivante, elle était, en 999, devenue l'épouse de Fujiwara no Nobutaka, de vingt ans son aîné, qui mourait en 1001, lui laissant une fille qui sera connue elle aussi en littérature, sous le nom de Daini no Sammi. Fait remarquable dans l'état des mœurs, ses biographes ne lui attribuent désormais aucune autre liaison masculine. Déjà sans doute s'était-elle engagée dans la création du monde imaginaire du Genji. Sa réputation de femme lettrée devait, en tout cas, être bien établie déjà vers 1005, quand le tout-puissant ministre Michinaga (965-1027) fait d'elle la préceptrice de sa fille, l'impératrice Shōshi. De cette époque semble dater le sobriquet de Murasaki, inspiré peut-être d'un des personnages de son roman.
À la mort de l'empereur Ichijō, en 1011, l'impératrice entre en religion et Murasaki la suit dans sa retraite. Selon des recherches récentes, elle aurait quitté son service à l'automne de 1013 et serait morte au printemps de 1014, dans sa trente-septième année.
Sur la date de la composition du Genji monogatari (le Dit du Genji) et le temps que l'auteur consacra à la rédaction de ce roman-fleuve de quelque deux mille pages, découpé en cinquante-quatre livres, les opinions des commentateurs divergent, mais ne reposent en toute occurrence que sur des hypothèses. La mention qu'elle-même en fait dans son Journal (Nikki, en vérité un fragment seulement, allant de l'automne 1008 aux premiers jours de 1010) ne permet pas de décider si l'œuvre était achevée déjà à cette date. Les partisans d'un travail de longue durée, de dix années ou plus, n'apportent en fait d'autre argument que la longueur du roman et l'« inimitable perfection du style », qui résulterait selon eux de la minutie de la mise au point. À quoi d'autres critiques ont eu beau jeu de répliquer en relevant les nombreuses négligences, répétitions, contradictions que l'on peut difficilement, sauf exceptions, attribuer à des inadvertances de copistes.
Et puisque,[...]
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Écrit par
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Autres références
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JAPON (Arts et culture) - La littérature
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