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MURDJISME

Doctrine islamique qui s'épanouit avec la dynastie umayyade à Damas dans la seconde moitié du iie siècle de l'hégire, le murdjisme qui, d'après certains historiens, aurait dû son apparition à des influences chrétiennes développa un climat de tolérance religieuse grâce auquel la dynastie umayyade, pendant un temps assez court, fut un centre de rayonnement intellectuel non moins éclatant que celui des ‘Abbāsides plus tard.

Dérivée du terme murgi'a, qui vient de la racine arǧa'a (ajourner), ou selon certains islamologues occidentaux de raǧā' (espérer), la notion de murdjisme désigne une doctrine qui se caractérise par le fait qu'elle ne condamne pas un musulman quels que soient les péchés qu'il a commis ; car il est dit dans le Coran : « D'autres attendent le jugement de Dieu, préparés à recevoir ses châtiments ou ses faveurs. Le Très-Haut est savant et sage » (sourate cvii). Si c'est Dieu qui accorde le châtiment ou le pardon, est donc musulman, selon le murdjisme, tout homme qui a embrassé l'islam et qui professe qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que Muḥammad est son Prophète ; de même est croyant tout homme qui croit en Dieu, ne serait-ce que de cœur car, en matière de foi, c'est Dieu seul qui peut être juge. Ǧahm ibn Safwān, un des principaux docteurs du murdjisme, est allé jusqu'à dire que, la foi étant un engagement du cœur, on pourrait être considéré comme croyant aux yeux de Dieu même si l'on se disait hérétique et même si, sous le toit de l'islam, on déclarait appartenir au judaïsme ou au christianisme. Si la foi est ainsi strictement relation avec Dieu, les hommes n'ont pas à se juger mais à vivre, comme l'enseigne le murdjisme, dans l'indulgence et la tolérance.

Cette doctrine rencontra cependant des adversaires, notamment des penseurs rigoristes qui lui reprochaient de reléguer au second plan les actes et la profession de foi (prière, jeûne, zaka', pèlerinage) à une époque où l'islam avait besoin de s'affirmer idéologiquement et politiquement. La réponse pratique que le mouvement fit à cette critique fut de s'interdire lui-même de condamner les partisans d'‘Alī comme ceux d'‘Utmān. Sur le plan philosophique, il refusait de faire de l'acte de foi (iymān) le privilège des seuls musulmans. Mais cette tolérance allait plus loin encore : tandis que les sunnites considéraient l'assassin comme un hérétique (kāfir) qui méritait le châtiment de l'enfer éternel et que les mu‘tazilites le situaient « entre le croyant et l'hérétique » (manzila bayn al-manzilatayn), les murdjites voyaient en lui un croyant, considérant que son châtiment ne peut être éternel que s'il a tué une âme parce qu'elle est croyante.

En dépit des réserves que suscita un tel parti pris, le murdjisme fut relativement bien admis par les Umayyades et par les ‘Abbāsides dont il ne menaçait aucunement les intérêts. Mais les mutakallimūn, théologiens scolastiques, y voyaient un danger pour les simples croyants, dont la pratique religieuse et la foi étaient codifiées de manière bien déterminée. Bien que l'appartenance du grand faḳīh Abū Hanīfa au murdjisme ait été controuvée, on peut dire que le sunnisme a hérité de ce courant une grande partie de son esprit de tolérance.

— Mostafa Ibrahim MORGAN

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