Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CERNUSCHI MUSÉE, Paris

Italien d’origine et personnalité d’exception, Henri Cernuschi (1821-1896) est né à Milan dans une famille aisée. Il fut tour à tour – et parfois dans le même temps – révolutionnaire luttant pour l’unité de son pays, banquier visionnaire, collectionneur et généreux mécène. Proscrit à la fois par les Autrichiens et le gouvernement papal, il vint à Paris en 1850. Après quelques années difficiles, il fit fortune dans la banque. Lors de la Commune, il faillit être exécuté en tant que républicain. Les événements l’incitèrent à s’éloigner de Paris et à entreprendre un tour du monde avec le critique d’art Théodore Duret (1838-1927), l’ami et le défenseur des impressionnistes, entre la fin de 1871 et le début de 1873. C’est lors de ce voyage qu’il réunit la première grande collection française d’art asiatique.

Le musée Cernuschi, ouvert au public en 1898, n’est autre que l’hôtel particulier que le mécène avait fait construire aux abords du parc Monceau dans les années 1870 et qu’il légua à la Ville de Paris avec toutes ses collections d’art asiatique, soit plus de 5 000 œuvres. À la suite d’achats, de dons, de legs, il en compte désormais trois fois plus. La rénovation entreprise en 2019-2020, destinée à créer un nouveau parcours pour les collections permanentes, a permis d’accroître le nombre de pièces exposées sans produire pour autant une impression d’étouffement, et d’en renouveler les deux tiers.

Un réaménagement n’est pas seulement d’ordre muséographique : il incite les conservateurs à reconsidérer l’ensemble des collections, à faire entreprendre les restaurations qui s’imposent et à réévaluer les œuvres à l’aune des derniers avancements de la recherche. À travers cette réorganisation, réalisée par Éric Lefebvre, son directeur, et toute son équipe, transparaît un vibrant hommage au fondateur du musée.

Au confluent des arts

La présentation reprend la couleur rouge d’origine des murs, en l’intégrant au fond de la plupart des vitrines. D’entrée de jeu, le goût d’Henri Cernuschi est évoqué par des pièces chinoises ou japonaises qu’il avait acquises mais qui sommeillaient dans les réserves ou étaient peu mises en valeur dans les salles. C’est notamment le cas de la Pagode en « bleu et blanc » qu’il supposait être un modèle réduit de la célèbre pagode de porcelaine de Nankin, monument qui attirait les voyageurs depuis le xviie siècle dans cette ville, détruit lors de la révolte des Taiping au milieu du xixe siècle. De très belle facture, cette œuvre accueille maintenant le visiteur au pied du grand escalier, en compagnie d’une tortue brûle-parfum en bronze, tandis qu’à l’étage nul ne peut rester indifférent devant la sculpture du tigre en bois laqué et doré acquise par le collectionneur auprès de Sarah Bernhardt.

Le parcours proprement dit commence avec la présentation du maître des lieux. Les quatre salles qui suivent sont consacrées à la Chine ancienne, du Néolithique à l’unification impériale en 221 av. J.-C. Si la plupart des objets composant cette partie étaient visibles auparavant, formant une série de chefs-d’œuvre, notamment les bronzes rituels qui ont acquis une grande célébrité jusqu’en Chine, leur mode d’exposition a changé, et bénéficie dès lors d’un éclairage aussi discret qu’efficace. L’autre innovation, commune à toutes les salles du musée, réside dans la création de vitrines dites « grand angle », chacune dans un ton en dégradé par rapport à la couleur dominante. Et certaines donnent à voir des œuvres issues d’autres cultures asiatiques. Ainsi, en contrepoint des bronzes chinois, on découvre pour la première fois les objets rapportés dans les années 1930 par Olov Janse (1892-1985), un archéologue d’origine suédoise, membre de l’École française d’Extrême-Orient, qui fouilla le site éponyme de la culture de Đông-son au Vietnam.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études, section des sciences historiques et philologiques, membre de l'Institut

Classification

Autres références

  • ELISSEEFF VADIME (1918-2002)

    • Écrit par
    • 841 mots

    La carrière de Vadime Elisseeff est intimement liée à la vie du musée Cernuschi à Paris – l'un des rares musées en Occident dont les collections soient exclusivement consacrées à l'art chinois – qu'il dirigea de 1956 à 1982. Et pourtant, ses activités professionnelles, entre l'U.N.E.S.C.O. et...