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CERNUSCHI MUSÉE, Paris

Autour du grand Buddha

Dans son hôtel particulier, Henri Cernuschi avait fait aménager une immense salle de réception où il offrait à la vue de ses hôtes ses bronzes, disposés sous la protection d’un grand Buddha acquis dans un faubourg de Tōkyō. L’ordonnancement initial de cette salle, respecté lors de la création du musée, fut modifié plusieurs fois par la suite selon la mode muséographique du moment. La sculpture du Buddha, qui se détachait à peine d’un encombrant dosseret dans la présentation précédente (2005), a été dégagée de cet environnement, de sorte que l’on peut en admirer toutes les faces. Sous la mezzanine qui lui sert d’écrin s’organise un parcours menant des Han (206 av. J.-C.-220 de notre ère) aux Tang (618-907) sur le thème de l’art funéraire. Une bonne place est accordée aux dalles sculptées provenant de tombes et aux substituts fabriqués pour le confort des morts, soucieux de retrouver dans l’au-delà les bienfaits de la vie ici-bas. Ces substituts en terre cuite évoquent minutieusement la vie quotidienne de l’époque, par exemple les activités agricoles (modèles de puits, de pilons, de greniers à céréales, etc.), tandis que la guerre est suggérée par des représentations de chars, de cavaliers, de fantassins, et l’architecture par les maquettes des résidences de propriétaires fonciers. Ces témoins sont d’autant plus précieux, qu’en raison des destructions dues aux guerres civiles ou aux changements dynastiques qui ont émaillé son histoire, il ne subsiste en Chine quasiment aucun vestige d’habitat bien conservé qui soit antérieur au Moyen Âge (iiie-ixe siècle).

Surplombant la salle du grand Buddha, la mezzanine est consacrée à l’art bouddhique, chinois surtout, mais aussi japonais et même coréen. En dépit de l’unité du thème, chaque pays, chaque culture a développé un art qui lui était propre. Dans le prolongement de la mezzanine, une salle permet d’aborder l’art des Song sous plusieurs angles, comme la redécouverte de l’antiquité et le développement de la porcelaine. Cette période est en effet marquée par un retour à la tradition classique. Dès le xie siècle paraissent des catalogues de bronzes et de jades antiques avec reproductions par le dessin au trait et l’estampage (inscriptions), et des descriptions scientifiques. Les dynasties suivantes des Yuan et des Ming sont illustrées par des œuvres montrant la circulation des techniques depuis la Chine, notamment celle des « bleu et blanc », répandue en Corée, au Japon et jusqu’au Vietnam.

À l’étage inférieur, dans une salle de dimensions équivalentes à la précédente, sont évoqués les échanges avec l’Europe, des Qing à nos jours. Ainsi, l’art du verre teinté dans la masse, particulièrement florissant aux xviiie et xixe siècles, y est révélé, de même que la présence à Paris au xxe siècle d’artistes chinois ayant opéré une synthèse entre les traditions de la Chine et celles de l’Occident, tels Zao Wou-Ki (1920-2013), Hua Tianyou (1901-1986), Ru Xiaofan (né en 1954). Grâce à une donation récente, des œuvres du mouvement japonais Mingei – visant, au cours des années 1920, à une reconnaissance des arts populaires – sont confrontées à des céramiques peintes par Zao Wou-Ki. Enfin, le visiteur découvrira par roulement des peintures sur papier ou sur soie dans une petite salle climatisée, à raison de quatre rotations par an. Ces œuvres extrêmement sensibles à la lumière comme à l’air environnant ne peuvent en effet être exposées de manière permanente.

Le réaménagement du musée Cernuschi s’inscrit dans l’histoire d’une collection des plus riches. Sous différentes facettes transparaît l’originalité des créations artistiques de l’Asie orientale, et l’on mesure ici ce que celles-ci ont eu en commun et ce qui les a rendues singulières. Ainsi, grâce à la générosité d’un collectionneur qui eut la[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études, section des sciences historiques et philologiques, membre de l'Institut

Classification

Autres références

  • ELISSEEFF VADIME (1918-2002)

    • Écrit par
    • 841 mots

    La carrière de Vadime Elisseeff est intimement liée à la vie du musée Cernuschi à Paris – l'un des rares musées en Occident dont les collections soient exclusivement consacrées à l'art chinois – qu'il dirigea de 1956 à 1982. Et pourtant, ses activités professionnelles, entre l'U.N.E.S.C.O. et...