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ORSAY MUSÉE D', Paris

« Une aventure du regard »

Jugée imparfaite ou tendancieuse, voire antimoderne, selon les camps qui s’exprimèrent alors vivement, une certaine « polyphonie » (selon Michel Laclotte, le directeur du musée d’Orsay jusqu’à son ouverture) avait été introduite sous les voûtes de l’ancienne gare, réaménagée par Gae Aulenti, elle-même peu sensible au style qu’elle jugeait « périmé » de Victor Laloux. À la suite de la transformation de la gare en musée par l’équipe d’ACT architecture, les choix de l’architecte italienne auront abouti à une minéralisation du sol et des murs d’où la structure de fer, dûment conservée, affleure partout et triomphe dans la verrière. Au-delà de l’adoption de murs de pierre très claire, rappel du « white cube » cher aux galeries d’art contemporain depuis les années 1970, l’éclairage indirect et masqué plongeait les œuvres dans une lumière peu favorable à la peinture, en dehors de la percée zénithale qui éclaire la galerie impressionniste. Le musée d’Orsay a maintenu cette présentation durant un quart de siècle.

Françoise Cachin, premier directeur du musée d’Orsay de 1986 à 1994, lui avait donné son impulsion décisive en développant sa politique d’acquisitions et son rayonnement international. Henri Loyrette, directeur de 1994 à 2001, mettait en place des expositions consacrées aux impressionnistes et aux artistes étrangers, sans parler des dossiers littéraires et musicaux qui ont toujours été une spécificité d’Orsay. À travers une nouvelle présentation des œuvres de 2001 à 2008, Serge Lemoine s’attachait à souligner les influences du xixe sur le xxe siècle.

Dès sa prise de fonction en 2008, Guy Cogeval manifeste le désir de transformer la muséographie de façon drastique, de la couleur des murs à l’éclairage et à l’accrochage. Précipité par le besoin de mieux répartir le flux de visiteurs toujours plus nombreux et de repenser leur circulation, le nouveau programme se fonde sur une séparation plus nette entre impressionnisme, symbolisme et postimpressionnisme. Le musée d’Orsay se veut à la fois une maison plus accueillante et une fenêtre plus complète sur l’époque qui précède le xxe siècle. Le « nouvel Orsay », depuis 2011, réintègre les peintures d’histoire, l’orientalisme, le naturalisme IIIe République et les écoles étrangères au parcours redessiné. La salle des grands tableaux de Gustave Courbet dans le pavillon Amont sert d’amorce à la galerie impressionniste, où la chronologie est désormais préférée aux salles monographiques. Lui succèdent, au niveau médian, les salles du postimpressionnisme, qui ont gagné en espace d’exposition. Mais le plus spectaculaire concerne l’éclairage, à nouveau dirigé, et la couleur des murs, qui rompt avec la neutralité trop uniforme de 1986. Moins soucieuse peut-être de confrontation historique que d’ouverture esthétique, d’unité que de variété, la muséographie du musée d’Orsay, qui rend hommage au musée du Luxembourg de Léonce Bénédite, son lointain ancêtre, invite désormais son public à partager une « aventure du regard » décomplexée.

— Stéphane GUÉGAN

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Musée d'Orsay - crédits : Eduardo Fuster/ Universal Images Group/ Getty Images

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