HOMME MUSÉE DE L', Paris
Création et évolution du musée de l’Homme
Le 20 juin 1938, le ministre de l’Éducation nationale inaugure le nouveau musée, appelé musée de l’Homme, dans le palais du Trocadéro. Ce bâtiment, avec ses lignes simples et ses volumes géométriques, tranche singulièrement avec l’ancien édifice du M.E.T.
En fait, le musée de l’Homme se présente comme le contre-modèle de son prédécesseur. Musée, centre de recherche et d’enseignement, il repose aussi sur une politique d’éducation populaire et de lutte contre le racisme, fondée sur la démonstration de l’absence de principe scientifique de cette compréhension inégalitaire de l’humanité. Le slogan de « musée-laboratoire » se veut l’accroche d’une double modernité : d’une part la présence d’une science active (enseignement universitaire, chercheurs, laboratoires), d’autre part l’innovation d’un projet entièrement dédié à l’Homme, à son étude scientifique dans un esprit de synthèse – ce qu’illustre le nouvel intitulé de la chaire d’anthropologie devenue « chaire d’ethnologie des hommes fossiles et des hommes actuels » –, érigé au rang de modèle international.
L’ambition de Paul Rivet pour ce musée implique un rapprochement des anthropologies culturelle et naturaliste. Il obtient de l’assemblée des professeurs du Muséum l’autorisation de transférer du Jardin des Plantes au Trocadéro les collections d’anthropologie physique, d’ethnologie, de préhistoire et de paléontologie humaine. Celles-ci s’insèrent dans un parcours permanent organisé autour des « races humaines fossiles et actuelles », entendues alors comme des ensembles cohérents sur les plans anatomique et culturel. Les vitrines exposent la diversité humaine, mettent en avant les caractères anatomiques, linguistiques ou matériels et conjecturent des liens spatio-temporels (similitudes supposées entre des populations préhistoriques et actuelles affranchies des réalités géographiques).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le musée de l’Homme est directement et dramatiquement touché : sanctions du régime de Vichy (révocation de Paul Rivet), lois raciales, résistants pourchassés – spécialement les personnels actifs au sein de ce qui sera appelé plus tard le Réseau du musée de l’Homme (arrestations, déportations, exécutions). Affaibli, le musée est aussi menacé de sécession scientifique sous la pression d’ethnographes. Mais le choix de remplacer Paul Rivet, réfugié en Amérique du Sud, par l’anthropologue Henri Victor Vallois permet alors de conserver le musée dans le giron des naturalistes.
Après la guerre, le musée de l’Homme se révélera incapable de retrouver le lustre de ses premières années et sa place prépondérante dans le paysage muséal et scientifique. Sur le plan académique, l’institutionnalisation universitaire des sciences de l’Homme marginalise le musée, qui perd sa position centrale dans les champs disciplinaires anthropologique et préhistorique. Cette évolution favorise une reconfiguration au sein même du musée, dans les années 1960-1970, des chaires et des responsabilités sur les collections. Elle se traduit par la scission de la chaire unique (« chaire d’ethnologie des hommes fossiles et des hommes actuels ») en trois chaires et ensembles de collections distincts (préhistoire, ethnologie, anthropologie).
La muséographie, même débarrassée peu à peu de sa couleur raciologique – essentiellement en 1974 – et moins tournée vers les collections – à partir des années 1980-1990 – apparaît datée. Les chercheurs de l’établissement peinent à convaincre les pouvoirs publics de soutenir leurs projets successifs de rénovation (1982, 1991, 1995). La création du musée du quai Branly et la dévolution à son profit des collections d’ethnologie du musée de l’Homme et de l’essentiel de sa bibliothèque (2002-2003) entraînent la fermeture du musée de la colline de Chaillot[...]
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Écrit par
- Arnaud HUREL : ingénieur de recherche au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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