CUZALS MUSÉE DE PLEIN AIR DU QUERCY DE
Les quarante hectares du musée de plein air du Quercy s'étendent, sur le causse de Cuzals, une commune de moins de cent habitants, à 35 km de Figeac. Fondé en 1982 par Jean-Luc Obereiner, ingénieur venu à l'ethnographie, l'écomusée prolonge une réflexion engagée dix ans plus tôt avec la création, à Cahors, de l'association Quercy Recherche et de sa revue d'histoire, géographie et ethnographie régionales. La recherche est toujours présente à Cuzals, où elle vit avec les saisons. Accueil de chercheurs, rencontres et colloques, éditions, en font le lieu privilégié d'observation d'un public mis en présence de sa mémoire. Cet effet de réverbération culturelle est un thème de recherche inédit.
Ce que veut rendre sensible Cuzals, c'est l'effet, sur les campagnes françaises, de la révolution du xixe siècle : mutation de l'architecture rurale, de l'équipement domestique et de l'outillage, apparition du machinisme, développement d'artisanats spécialisés tendant à la petite industrie, mais aussi désertification rurale et sa cause ou sa conséquence : l'urbanisation. Cuzals procède pour cela par ensembles muséographiques. Dès l'entrée, le visiteur découvre deux fermes reconstituées : l'une d'Ancien régime, l'autre du début du xxe siècle. Toutes deux sont délibérément présentées sans commentaire. Ailleurs, de mini-expositions didactiques s'organisent autour de thèmes généraux (musée du feu, musée de l'eau) ou d'activités traditionnelles (poterie, cuivre, vannerie, abeilles...).
Si Cuzals s'attache de la sorte à l'étude d'une société rurale traditionnelle – le Quercy du xixe siècle – son objet est aussi, plus profondément, l'interaction entre un patrimoine restitué au public et la vie. Le musée se distingue en cela des autres par le caractère de sa scénographie. Il ne s'inscrit dans la mouvance des écomusées que pour refuser de s'y laisser enfermer. Un bâtiment de gare fait, par exemple, office d'entrée, mais le panneau « Gare de Cuzals » précise qu'il n'y a jamais eu de gare ici et que l'édicule (la billetterie) provient d'une vieille gare du Gers. À travers cette supercherie en forme de « faux » muséal, les responsables du lieu délivrent sur une affiche leur définition du musée : « ... il est ancien / Le musée, c'est un voyage dans le temps / il évoque les chemins de fer / Le musée, c'est un voyage dans l'espace / il n'y a jamais eu de gare à Cuzals / Le musée, c'est la fiction / son architecture n'a rien de typiquement quercynois / Le musée, c'est l'ailleurs, les autres / sa charpente est conçue selon une technique traditionnelle / Le musée, c'est l'identité / C'est nous-mêmes. »
Cette volonté critique culmine dans l'usage fait du château, seul bâtiment initial du site, construit entre 1919 et 1930 par un industriel de la soie. Très partiellement rénové, il porte les marques du mystérieux incendie qui l'a ravagé en 1943. Choisi comme cœur de l'écomusée, il est triplement atypique pour J.-L. Obereiner. « Ni restauré ni totalement ruiné, il s'affirme comme repère, central sur le site, de l'éternel dialogue nature-culture. Ni vieux ni ancien, pastiche 1930 d'un classique campagnard, il permet à tout le site de développer une problématique du temps qui ne soit pas datée. Ni beau ni laid, il n'est exemplaire de rien, sauf de la liberté du muséographe de conserver ou de démolir. Et pourtant, bâtiment le plus déconstruit du site, c'est lui qui abrite ses services opérationnels [...]. Faut-il le supprimer ou le restaurer ? à l'identique ou en le modernisant ? est-il médiéval ou Renaissance ? pourquoi a-t-il brûlé ? peut-on le visiter ? Tous les visiteurs discutent avec nous de ces problèmes. » ([...]
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Écrit par
- Jack LIGOT : professeur agrégé de philosophie, ancien chargé de mission à la Direction des Musées de France
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