SOLEURE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE
La ville de Soleure est située au bord de la Aare, à une trentaine de kilomètres de Berne. Une cathédrale de style baroque italien, des places aux fontaines fleuries, des maisons patriciennes, vestiges de l'aristocratie locale, lui donnent un cachet particulier. Soleure fut à partir de 1530 et pendant près de 300 ans la ville de résidence des ambassadeurs de France. Rien ne laisse deviner l'histoire singulière et quelque peu agitée des débuts de son musée des Beaux-Arts. Celui-ci est en effet né du hasard : en 1864, le peintre Franck Buchser et le président du Kunstverein de l'époque découvrirent, dans une chapelle de la cité voisine de Granges, un tableau représentant la Vierge et l'acquirent contre la promesse de réaliser quelques restaurations dans la chapelle. Or on découvrit que le tableau était une œuvre maîtresse de Hans Holbein, datée de 1552. Persuadés d'avoir été grugés, les anciens propriétaires réclamèrent en justice l'annulation de la vente. Au terme d'une longue procédure, un compromis fut trouvé : la ville de Soleure rembourserait les acheteurs des frais engagés mais deviendrait propriétaire de l'ensemble de la collection du Kunstverein, à charge pour elle de l'exposer dans un bâtiment accessible au public. Ce fut chose faite en 1902. Libéré des collections d'histoire naturelle en 1972, restructuré en 1980 pour mieux accueillir les fondations dont il était devenu dépositaire, le musée possède une surface de 650 m2 pour les expositions temporaires et de 800 m2 pour les collections. Celles-ci s'ordonnent autour de grands ensembles – les maîtres anciens (maîtres rhénans, Holbein, Asper, Bock), l'art suisse du xixe siècle (Otto Frölicher, Anker, Diday, Franck Buchser avec 76 œuvres), les représentants du tournant du xixe siècle (une centaine d'œuvres de Hodler, une belle présentation de l'œuvre de Cuno Amiet) et enfin l'art suisse contemporain. Trois fondations, suscitées par l'exemple du collectionneur et mécène Oscar Miller (1862-1934) qui fut à Soleure le premier à réunir pour son compte quelque 250 œuvres d'artistes suisses contemporains, permettent une féconde confrontation de l'art suisse avec les grands maîtres du xxe siècle.
La première de ces fondations fut constituée en 1964 par Gertrude Dübi-Müller (1888-1980) et son époux le juriste Otto Müller (1885-1966). Léguant à leur ville natale un ensemble de 190 œuvres, les époux Dübi offrent au visiteur un vaste panorama de l'art suisse du début du xxe siècle centré sur l'œuvre de Cuno Amiet dont Gertrude Dübi-Müller fut l'élève et sur celle de Hodler pour qui elle posa et dont elle acquit près de 26 huiles. Liée également avec Giovanni Giacometti, Ernst Morgenthaler, Albert Trachsel, Hans Berger, elle réunit un ensemble d'une centaine d'œuvres de ces artistes. Des œuvres de Félix Vallotton, René Auberjonois, Maurice Barraud complètent la présentation tandis qu'une vingtaine de Degas, de Van Gogh, Cézanne, Matisse, Rouault, Braque, Picasso et Gris permettent une féconde confrontation avec l'art français.
La deuxième fondation est celle de Joseph Müller (1887-1977) qui fut un collectionneur plus passionné encore que sa sœur. La maison des Arts à Munich s'efforça de reconstituer sa gigantesque collection lors d'une exposition en avril 1999. Résolument moderne, il se procure dès 1908 des œuvres d'Hodler, s'ouvre rapidement au cubisme qu'il découvre à Paris chez Gertrude Stein, achète dès 1914 des Kandinsky. Il s'installe à Paris en 1921, où il restera vingt ans. De 1925 à 1935, sa collection s'enrichit de 7 œuvres de Braque, de 3 Gris, de 10 Léger et de 30 Rouault. Faisant évoluer sa collection jusqu'au terme de sa vie, il amassera des centaines d'œuvres. De cet ensemble Joseph Müller prélèvera[...]
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Écrit par
- Daniel HARTMANN : professeur de lettres
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